Ressources humaines : Les entreprises ivoiriennes face au défi de la pénurie de talents

  • 0
  • 137 vues

Malgré une croissance économique soutenue, la Côte d’Ivoire fait face à une inadéquation croissante entre l’offre et la demande de compétences. Les entreprises développent des stratégies innovantes pour attirer et fidéliser les talents dans un marché de l’emploi sous tension.

Paradoxe du marché ivoirien : alors que l’économie affiche une croissance de 6,6 % en 2025 selon les projections du FMI, les entreprises peinent à recruter des profils qualifiés. Cette pénurie de talents touche particulièrement les secteurs en expansion comme la technologie, la banque et l’agro-industrie, obligeant les employeurs à repenser leurs stratégies de ressources humaines.

Un déficit structurel de compétences

Le rapport 2025 du Département d’État américain identifie une inadéquation structurelle entre la formation académique et les besoins réels du marché. De nombreux diplômés issus des filières généralistes peinent à s’insérer dans une économie orientée vers le numérique, la finance et l’ingénierie.

L’exode des talents aggrave cette situation. Les meilleurs profils tech quittent souvent le pays pour Dakar, Paris ou Dubaï, attirés par de meilleures rémunérations et perspectives de carrière. Cette fuite des cerveaux prive les entreprises locales de compétences critiques, particulièrement dans les domaines technologiques émergents.

Le manque d’expérience pratique des jeunes diplômés constitue un autre défi. Les entreprises doivent investir massivement dans la formation interne et les programmes de montée en compétences pour rendre leurs recrues opérationnelles.

Des stratégies sectorielles adaptées

Le secteur bancaire, particulièrement touché par la mobilité inter-entreprises, développe des académies internes. NSIA Banque a lancé en 2023 une “Talent Academy” avec des cycles de formation de 12 mois couvrant gestion, crédit et conformité. Ecobank Côte d’Ivoire mise sur un programme de graduate trainees pour identifier et faire évoluer rapidement les jeunes diplômés.

Dans la technologie, où la volatilité des profils techniques est élevée, les entreprises privilégient la culture d’entreprise et les partenariats éducatifs. CinetPay et Weblogy collaborent avec des structures comme Simplon et MDE Business School pour co-construire des modules adaptés. Le groupe SDSI a introduit des stock-options et des programmes de “work from anywhere” pour séduire les jeunes talents.

L’industrie mise sur l’apprentissage technique. SIFCA a développé un centre de formation intégré à San Pedro en partenariat avec l’INPHB de Yamoussoukro. Le groupe SOTICI propose des stages d’insertion rémunérés avec un taux d’embauche supérieur à 60 %.

L’émergence de nouvelles pratiques RH

Ces contraintes poussent les entreprises à innover dans leurs pratiques de gestion des talents. La formation interne devient un investissement stratégique autant qu’un outil de fidélisation. Les programmes de rémunération variable et les avantages sociaux renforcés se généralisent pour compenser l’attractivité limitée des salaires face à la concurrence internationale.

Les partenariats avec les établissements d’enseignement se multiplient, permettant aux entreprises d’influencer directement la formation des futurs collaborateurs. Cette approche proactive remplace progressivement la logique traditionnelle de recrutement sur un marché ouvert.

Vers des solutions systémiques

Le défi dépasse les initiatives individuelles des entreprises. Le renforcement de l’enseignement technique et professionnel constitue une priorité, nécessitant une réorientation massive vers les métiers en tension : énergie, industrie, digital et santé.

Les incitations fiscales pour les plans de formation certifiants et l’accueil d’apprentis pourraient encourager l’investissement privé dans le développement des compétences. Un fonds national cofinancé par l’État et le secteur privé pourrait structurer ces efforts.

L’intensification des alliances entre entreprises et universités, via des licences professionnelles co-construites et des chaires métiers, faciliterait le transfert de compétences et l’adaptation des cursus aux réalités économiques.

Un enjeu de compétitivité nationale

Cette pénurie de talents révèle les limites du modèle de croissance ivoirien et questionne sa durabilité. La transformation de ce défi en opportunité nécessite une action coordonnée entre l’État, les établissements de formation et le secteur privé.

L’enjeu dépasse la simple guerre des talents pour viser la construction d’un écosystème ivoirien des compétences. Cette approche systémique conditionne la capacité du pays à maintenir sa trajectoire de croissance tout en s’adaptant aux défis de la digitalisation et de l’inclusion économique.


En savoir plus sur businessechos.net

Subscribe to get the latest posts sent to your email.