Porté par une croissance économique robuste (6,5% en 2023), le secteur des études de marché en Côte d’Ivoire s’affirme comme l’un des plus dynamiques d’Afrique de l’Ouest francophone. Si les filiales des groupes internationaux dominent ce marché en pleine expansion, les cabinets locaux, dotés d’une connaissance approfondie du terrain ivoirien, réussissent progressivement à s’imposer comme des acteurs incontournables.
Une concurrence internationale féroce
Le marché ivoirien des études de marché, estimé entre 5 et 10 milliards de FCFA (8 à 16 millions USD), attire depuis plusieurs années les grands noms du secteur. Ipsos, Kantar et Nielsen – respectivement 3ème, 2ème et 1er mondial – occupent aujourd’hui les premières places d’un marché en pleine structuration.
Les mouvements stratégiques récents témoignent de l’attractivité du secteur. En 2023, Ipsos a considérablement renforcé sa présence régionale en rachetant Omedia, un pionnier des études médias et marketing en Afrique de l’Ouest. De son côté, OpinionWay, cabinet français de sondages, a étendu ses activités en Côte d’Ivoire dès 2020, illustrant l’intérêt croissant des acteurs internationaux pour ce marché.
L’émergence des champions locaux
Face à cette concurrence internationale, plusieurs cabinets ivoiriens ont su développer des expertises distinctives pour conquérir des parts de marché significatives.
Research West Africa (RWA), fondé en 1998 à Abidjan, fait figure de pionnier. Cette entreprise s’est spécialisée dans le conseil marketing et la réalisation d’études qualitatives et quantitatives, couvrant progressivement l’ensemble de la sous-région ouest-africaine.
Sagaci Research, créé en 2012 par d’anciens consultants du BCG, s’est imposé comme un acteur majeur dans la fourniture de données sur les marchés africains. Basé à Abidjan, le cabinet a développé une expertise pointue dans les panels en ligne et les outils de suivi de marque, lui permettant d’offrir des données en continu à ses clients.
“Notre force réside dans notre connaissance fine des réalités locales, couplée à des méthodologies rigoureuses adaptées au contexte africain”, expliquait récemment un dirigeant de Sagaci lors d’une conférence sectorielle.
Parmi les autres structures locales influentes, Insight HQ s’est fait un nom en se spécialisant dans le recensement commercial et la cartographie des points de vente – un atout considérable pour les études de distribution. EMC (Études de Marché et Conseils), quant à lui, a développé une offre complète combinant études marketing, conseil stratégique et suivi-évaluation de projets.
Les atouts des cabinets locaux
Si les multinationales disposent de ressources considérables et de méthodologies éprouvées, les cabinets locaux compensent par plusieurs avantages concurrentiels.
D’abord, une connaissance intime du terrain : “Pour réaliser des études fiables en Côte d’Ivoire, il faut comprendre les subtilités culturelles, linguistiques et socio-économiques du pays”, souligne un responsable d’EMC. Cette expertise locale devient cruciale pour mener des enquêtes dans des zones rurales ou auprès de populations peu familières avec les méthodologies d’enquête occidentales.
Ensuite, une flexibilité opérationnelle et tarifaire : les structures locales proposent souvent des tarifs inférieurs de 20 à 30% à ceux des multinationales, avec des équipes plus agiles capables de s’adapter rapidement aux demandes spécifiques.
Enfin, une capacité à occuper des niches délaissées par les grands groupes. Ainsi, Sagaci Research s’est spécialisé dans les données de distribution et les études multi-clients en Afrique, répondant à un besoin insuffisamment couvert par les acteurs internationaux.
Une clientèle diversifiée
Le secteur bénéficie d’une demande croissante émanant de multiples segments :
- Les entreprises de grande consommation et d’agro-industrie, désireuses de comprendre les comportements des consommateurs locaux.
- Le secteur des télécommunications et des technologies, particulièrement concurrentiel en Côte d’Ivoire.
- Les institutions financières (banques, assurances, microfinance) cherchant à élargir leur clientèle.
- Le secteur public, les ONG et partenaires au développement, pour évaluer l’impact de leurs programmes.
- Les médias et agences de communication, à la recherche de données d’audience fiables.
Cette diversification de la demande offre aux cabinets locaux l’opportunité de se spécialiser et de développer des expertises distinctives, comme EMC avec son offre de suivi-évaluation pour les projets de développement.
Défis et perspectives d’avenir
Malgré son dynamisme, le secteur fait face à plusieurs défis. L’accès au terrain reste complexe dans certaines régions, avec des disparités importantes entre zones urbaines et rurales. La formation de personnel qualifié constitue également un enjeu majeur, tout comme l’adaptation aux nouvelles technologies (big data, intelligence artificielle).
La pandémie de COVID-19 a par ailleurs marqué un tournant, contraignant les cabinets à accélérer leur transition numérique. “Paradoxalement, la crise a stimulé l’innovation dans notre secteur”, observe un professionnel ivoirien. “Nous avons développé des méthodologies alternatives qui perdurent aujourd’hui.”
Pour les cinq prochaines années, les perspectives restent favorables. La croissance démographique, l’urbanisation rapide et l’émergence d’une classe moyenne créent un terreau fertile pour les études de marché. Les échéances électorales (présidentielle 2025) devraient également stimuler le segment des sondages d’opinion.
Les cabinets locaux, pour maintenir leur compétitivité, devront poursuivre leur montée en gamme technologique tout en préservant leur avantage comparatif : une connaissance intime du consommateur ivoirien. Certains envisagent déjà des alliances stratégiques avec des réseaux internationaux pour bénéficier de méthodologies avancées tout en conservant leur agilité.
Un secteur en consolidation
Le rachat d’Omedia par Ipsos en 2023 illustre une tendance à la consolidation du marché. D’autres opérations similaires pourraient suivre, les grands groupes internationaux cherchant à renforcer leur présence régionale.
Face à cette évolution, les cabinets locaux devront innover constamment et peut-être explorer des modèles collaboratifs pour maintenir leur place. Leur avenir dépendra de leur capacité à conjuguer l’expertise locale avec l’adoption de standards internationaux.
Avec une population jeune, connectée et en croissance, et une économie diversifiée, la Côte d’Ivoire offre un potentiel considérable pour le développement du secteur des études de marché. Dans ce contexte prometteur, les cabinets locaux disposent d’atouts significatifs pour continuer à croître aux côtés des géants internationaux, contribuant ainsi à l’essor de l’intelligence marketing en Afrique de l’Ouest.
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