Grands Moulins d’Abidjan : le géant américain Seaboard mise sur l’avenir de la minoterie ouest-africaine

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Avec un chiffre d’affaires de 50 milliards FCFA et une capacité de production portée à 300 000 tonnes par an, GMA s’impose comme le leader incontournable de la filière blé-farine en Côte d’Ivoire et dans la sous-région.

Les deux silos blancs du Port autonome d’Abidjan sont devenus, depuis 1963, un symbole de l’industrie agroalimentaire ivoirienne. Derrière cette image emblématique se cache Grands Moulins d’Abidjan (GMA), une entreprise qui a su traverser les décennies en s’adaptant aux mutations économiques du pays. Aujourd’hui propriété du géant américain Seaboard Corporation, GMA incarne les ambitions d’un secteur stratégique pour la sécurité alimentaire nationale.

Un rachat qui change la donne

Le tournant décisif intervient en décembre 2017 lorsque Seaboard Corporation, multinationale américaine spécialisée dans le négoce de grains, rachète GMA au groupe Mimran pour environ 318 millions d’euros. Cette acquisition s’inscrit dans la stratégie globale de Seaboard, entreprise cotée à New York qui réalise un chiffre d’affaires mondial de 9,2 milliards de dollars en 2021.

Pour GMA, cette intégration au réseau mondial de Seaboard représente un gage de solidité financière et d’expertise technique. L’objectif affiché est clair : devenir le leader panafricain de la minoterie, en s’appuyant sur une position déjà dominante dans l’espace UEMOA où l’entreprise détient environ 40% de parts de marché en Côte d’Ivoire.

Des investissements massifs pour consolider le leadership

Les nouveaux propriétaires n’ont pas tardé à concrétiser leurs ambitions par des investissements substantiels. En 2022, GMA a mis en service six nouveaux silos représentant 28 000 tonnes de capacité supplémentaire, pour un coût estimé entre 10 et 15 millions d’euros. Cette extension fait passer la capacité de stockage totale de 20 000 à 50 000 tonnes, permettant d’atteindre un écrasement annuel de 300 000 tonnes.

Parallèlement, l’entreprise a investi 1 milliard FCFA fin 2021 dans des équipements électriques pour pallier les délestages qui avaient fait chuter sa production de 70% en avril 2021. Cette sécurisation énergétique témoigne de la volonté de GMA de stabiliser sa production face aux défis infrastructurels.

L’innovation ne se limite pas aux équipements. GMA valorise désormais le son de blé, sous-produit de la mouture, en aliment pour l’élevage, contribuant ainsi au développement du secteur de l’élevage ouest-africain tout en diversifiant ses revenus.

Un positionnement stratégique renforcé

Avec ses deux unités de production à Abidjan et San Pedro, GMA bénéficie d’atouts logistiques considérables. Un accord avec l’État lui assure des priorités d’accostage au port d’Abidjan, réduisant les délais d’attente de plusieurs semaines à quelques jours par rapport à ses concurrents.

Cette position privilégiée prend tout son sens dans un contexte où la Côte d’Ivoire importe environ 500 000 tonnes de blé par an, soit 705 700 tonnes en 2023 pour une valeur de 162 milliards FCFA. La dépendance totale aux importations rend cruciale la maîtrise de la chaîne d’approvisionnement.

L’entreprise emploie aujourd’hui plus de 250 salariés directs, auxquels s’ajoutent les emplois indirects dans le transport et la boulangerie. Le secteur dans son ensemble représente plus de 5 000 emplois directs selon l’État, qui a installé en mai 2025 un Comité national de suivi reconnaissant l’importance d’un marché supérieur à 100 milliards FCFA.

Des défis multiples à relever

Malgré sa position dominante, GMA évolue dans un environnement de plus en plus concurrentiel. Les Moulins de Côte d’Ivoire (groupe Avos) et les Moulins Modernes de Côte d’Ivoire (MMCI, filiale du conglomérat Carré d’Or) investissent massivement pour gagner des parts de marché, donnant lieu à une véritable “guerre des moulins”.

La volatilité des cours mondiaux du blé constitue un autre défi majeur. La guerre en Ukraine a fait exploser les prix en 2022, contraignant l’État à une subvention d’urgence de 10,5 millions de dollars pour maintenir le prix du pain et à instaurer de nouvelles normes avec des baguettes standardisées à 150 FCFA pour 174 grammes.

GMA doit également composer avec la concurrence indirecte des autres aliments de base (riz, maïs, igname, manioc) et s’adapter aux politiques publiques visant à promouvoir la transformation locale et réduire les importations alimentaires.

Cap sur l’expansion régionale

Face à ces défis, GMA mise sur l’expansion régionale. L’entreprise vise les pays voisins – Mali, Burkina Faso, Niger, Ghana, Guinée – comme débouchés pour ses excédents de production. L’intégration régionale croissante et la démographie galopante de l’Afrique de l’Ouest offrent des perspectives de croissance prometteuses.

À court terme, l’automatisation, la digitalisation des processus et le développement de produits à plus forte valeur ajoutée (farines spéciales, mélanges enrichis) devraient permettre à GMA de maintenir son avance technologique. L’entreprise explore également les possibilités d’amélioration de sa durabilité, notamment par le recours aux énergies renouvelables.

Grâce à son historique, ses investissements récents et l’expertise de Seaboard, GMA semble bien armée pour préserver sa position de leader et accompagner la transformation du secteur agroalimentaire ouest-africain dans les années à venir.


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