Yango Côte d’Ivoire : La success story d’une startup russe qui a révolutionné le transport urbain

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Avec plus de 100 000 trajets par jour et 25 000 chauffeurs partenaires, la filiale du géant technologique russe Yandex s’impose comme le leader incontesté du VTC en Côte d’Ivoire. Retour sur un phénomène qui a transformé la mobilité urbaine ivoirienne en seulement six ans.

Dans les rues animées d’Abidjan, “prendre un Yango” est devenu une expression courante pour commander un taxi via smartphone. Lancé discrètement le 4 octobre 2018 dans la capitale économique ivoirienne, ce service de VTC développé par le géant technologique russe Yandex a révolutionné le transport urbain local en proposant des courses à partir de 200 FCFA seulement.

Un timing parfait sur un marché en déshérence

L’arrivée de Yango intervient à un moment critique pour le secteur du transport urbain ivoirien. Avant 2018, le paysage était dominé par les taxis traditionnels orange et les transports collectifs informels, souffrant de négociations tarifaires ardues et d’une offre insuffisante face à l’explosion démographique.

Les premières tentatives de digitalisation menées par des startups locales comme Izicab, Africab ou TaxiJet avaient échoué faute de moyens et dans un vide réglementaire. Fin 2017, le secteur VTC était moribond, de nombreux chauffeurs étant retournés vers les taxis classiques.

C’est dans ce contexte que Yango, filiale de Yandex – souvent surnommé le “Google russe” – débarque avec une promesse claire : des trajets moins chers, plus simples et plus fiables.

Une proposition de valeur révolutionnaire

L’application Yango séduit immédiatement par son expérience utilisateur fluide : inscription rapide via numéro de téléphone, géolocalisation GPS automatique, estimation du temps d’arrivée, identification complète du chauffeur et suivi en temps réel. Mais l’innovation majeure réside dans l’introduction du prix fixe connu à l’avance.

“Cette transparence tarifaire, inédite localement, évite les négociations souvent nécessaires avec un taxi traditionnel et rassure la clientèle”, explique Kadotien Soro, directeur pays de Yango CI. À son lancement, le tarif minimum comprenait 300 FCFA pour la prise en charge et les deux premiers kilomètres, puis 150 FCFA par kilomètre jusqu’au 6ème km.

Cette attractivité tarifaire, rendue possible par les algorithmes d’optimisation de Yandex, a immédiatement conquis une clientèle avide de transports abordables. En quelques mois, l’application a engrangé des milliers de téléchargements et le nom “Yango” s’est répandu dans les conversations des Abidjanais.

Une expansion géographique maîtrisée

Yango ne s’est pas contenté d’Abidjan. Dès fin 2021, la société annonçait desservir Bouaké, puis dans le cadre des préparatifs de la CAN 2023, elle a accéléré son déploiement. Aujourd’hui, le service est présent dans cinq villes ivoiriennes : Abidjan, Bouaké, Yamoussoukro, San-Pédro et Korhogo.

Cette montée en puissance se mesure en chiffres impressionnants : environ 25 000 chauffeurs partenaires actifs rien qu’à Abidjan, assurant plus de 100 000 trajets par jour. La plateforme revendique avoir contribué au renouvellement du parc automobile : l’âge moyen des véhicules VTC est passé de 15 ans en 2018 à seulement trois ans aujourd’hui.

Un modèle technologique à ADN international

Le succès de Yango repose sur son ADN technologique hérité de Yandex. La société capitalise sur Yandex.Maps et des algorithmes de navigation ultra-performants qui identifient le chauffeur le plus proche, calculent l’itinéraire optimal et réduisent les trajets à vide.

Contrairement à un opérateur classique, Yango ne possède ni ses propres voitures ni ses chauffeurs salariés. Elle s’appuie sur un modèle d’agrégation, s’associant avec des sociétés locales de transport et des chauffeurs indépendants. Ce modèle de partage de revenus permet une expansion rapide sans actifs lourds.

Initialement, Yango pratiquait une commission très faible d’environ 10% par course. Avec la croissance de sa part de marché, ces commissions ont progressivement augmenté pour atteindre aujourd’hui 18% des courses économiques et 23% des courses confort, un niveau comparable aux concurrents internationaux.

L’évolution vers une super-application

Yango a dépassé le simple VTC pour évoluer vers une “super-app”. L’application propose désormais la livraison de repas via Yango Food, le transport de marchandises via Yango Delivery, et une plateforme d’achat-vente en ligne appelée Sell & Buy.

L’innovation majeure récente est le lancement en août 2023 de Yango Pay, un portefeuille électronique permettant aux usagers de payer leurs courses directement en ligne via mobile money ou carte bancaire. Cette solution répond aux habitudes locales tout en contribuant à l’inclusion financière.

Un parcours semé d’embûches surmontées

Le succès de Yango ne s’est pas fait sans heurts. L’entreprise a dû faire face à la contestation des taxis traditionnels, culminant avec une grève de l’Association des conducteurs de taxis-compteurs en novembre 2021. Cette crise a servi d’électrochoc aux pouvoirs publics.

La réponse gouvernementale a été pragmatique : le 15 décembre 2021, un décret spécifique régissant les services de VTC a été adopté, introduisant la notion de “voiture de transport avec chauffeur” dans le droit ivoirien. Cette régulation a pacifié le secteur tout en professionnalisant l’activité.

Aujourd’hui, seules trois plateformes – Yango, Uber et Heetch – sont officiellement autorisées à exercer en Côte d’Ivoire, Yango occupant nettement la position de leader en volume.

Un impact économique et social significatif

Au-delà du transport, Yango revendique avoir “impacté plus de 30 000 familles” en créant des opportunités d’emplois directs et indirects. L’écosystème qui s’est développé englobe les sociétés de location de véhicules, les garages et les stations-service.

L’entreprise s’est engagée à investir plus de 300 millions de dollars dans les prochaines années pour structurer le secteur et développer de nouvelles solutions technologiques locales. Elle a également ouvert en 2025 son siège régional africain à Abidjan – son plus grand bureau hors de Russie – employant plus de 200 salariés locaux.

Des ambitions continentales depuis Abidjan

La Côte d’Ivoire ne représente pas qu’un marché pour Yango, mais bien le pilier de son ambition africaine. Présent aujourd’hui dans 16 pays du continent, Yango fait d’Abidjan le centre de coordination de ses opérations africaines.

L’entreprise vise à doubler sa base de chauffeurs pour atteindre 50 000 opérateurs d’ici deux ans, tout en continuant à enrichir son écosystème de services. Cette croissance programmée confirme que le “pari Yango” – importer un modèle de la nouvelle économie dans une métropole africaine en pleine croissance – est en passe d’être gagné en Côte d’Ivoire.

L’histoire de Yango illustre parfaitement les défis de la transformation numérique africaine, où se mêlent opportunités économiques, ajustements sociaux et négociations entre le global et le local. Une success story qui pourrait bien inspirer d’autres secteurs en quête de digitalisation sur le continent.


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