Transition énergétique : solaire, raffinerie et hôtellerie durable, la Côte d’Ivoire change d’échelle

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En quelques jours début août 2025, Abidjan a enchaîné les annonces structurantes qui témoignent d’un véritable changement d’échelle. Quatre centrales solaires, une deuxième raffinerie et un financement vert pour l’hôtellerie durable : au-delà des effets d’annonce, ces projets dessinent une stratégie cohérente pour accélérer la transition énergétique.

L’été 2025 aura marqué un tournant dans la stratégie énergétique ivoirienne. En quelques jours seulement, début août, le pays a enchaîné trois annonces majeures qui témoignent d’une volonté politique claire : accélérer la transition énergétique tout en sécurisant l’approvisionnement national et en attirant les capitaux verts internationaux.

Un changement d’échelle dans le solaire

Le 5 août 2025, le ministère des Mines, du Pétrole et de l’Énergie a officialisé la signature des conventions pour quatre centrales photovoltaïques totalisant 210,3 MWc. Ces installations – Bondoukou (50 MWc), Touba (58,6 MWc), Laboa (49,7 MWc) et M’Bengué (52 MWc) – devraient voir le jour d’ici 2027 et représentent une capacité d’alimentation pour environ 70 000 foyers. Un véritable bond quantitatif pour un pays qui ne disposait que de 42 MW de capacité solaire installée en 2026.

Cette montée en puissance s’articule autour de partenariats stratégiques diversifiés. AMEA Power pilote le projet de Bondoukou, tandis que Touba et Laboa s’inscrivent dans le programme Scaling Solar soutenu par l’IFC. Le projet M’Bengué relève quant à lui de l’initiative Tongon Solaire. Tous adoptent le modèle BOOT (Build-Own-Operate-Transfer), témoignant d’une professionnalisation des structures de financement.

Ce changement d’échelle solaire s’inscrit dans une vision plus large : le Plan d’Urgence Énergie 2026-2030 prévoit l’ajout de 2 570 MW toutes sources confondues, dont 925 MW solaires. L’objectif politique affiché est de porter la part des énergies renouvelables à 45% du mix de production d’ici 2030, contre environ 32% actuellement (principalement hydroélectrique).

Le raffinage à l’échelle continentale

Parallèlement au développement des énergies renouvelables, la Côte d’Ivoire change également d’échelle dans le raffinage. Le protocole d’accord signé le 14 mai 2025 avec l’américain Yaatra Ventures prévoit la construction d’une deuxième raffinerie de 170 000 barils/jour en partenariat avec la SIR.

Cet investissement de plus de 5,1 milliards de dollars pourrait porter la capacité nationale de raffinage de 100 000 à 270 000 barils/jour, renforçant considérablement le positionnement d’Abidjan comme hub énergétique régional. Dans un contexte où plusieurs marchés ouest-africains peinent à couvrir leurs besoins en produits raffinés, cette expansion répond à une logique économique évidente.

La stratégie n’est pas sans risques. À l’heure où les trajectoires de décarbonation s’accélèrent mondialement, l’investissement dans de nouveaux actifs pétroliers interroge. Néanmoins, les autorités ivoiriennes semblent parier sur une transition graduelle où le raffinage continuera d’alimenter l’économie réelle à court et moyen termes, tout en générant les devises nécessaires au financement des énergies renouvelables.

L’immobilier durable, nouveau maillon de la chaîne

Le changement d’échelle concerne également l’efficacité énergétique dans l’immobilier et les services. Le financement de 15 millions d’euros accordé par le fonds Africa Go Green (AGG) pour un complexe hôtelier certifié EDGE à Angré illustre cette nouvelle dimension.

Ce projet de 15 millions d’euros, développé par Kasada (groupe soutenu par Accor et la QIA), comprend 170 chambres, des espaces de coworking Wojo et un centre MICE. Au-delà de l’aspect symbolique, l’intérêt économique est double : réduire drastiquement les coûts opérationnels énergétiques dans un secteur gourmand en climatisation, et structurer une demande locale pour les équipements performants.

Cette approche par l’efficacité énergétique des bâtiments illustre une compréhension fine des enjeux : la transition ne peut se limiter à l’offre de production. Elle doit également transformer les modes de consommation pour amplifier l’impact global du changement d’échelle.

Une stratégie économique cohérente

Cette triple montée en puissance révèle une approche stratégique cohérente. En développant simultanément les énergies renouvelables et les capacités de raffinage, la Côte d’Ivoire sécurise son approvisionnement énergétique tout en changeant d’échelle sur deux horizons temporels complémentaires. Le solaire répond aux besoins de décarbonation du réseau électrique, tandis que le raffinage garantit l’accès aux carburants et produits pétroliers nécessaires à l’économie réelle.

Cette stratégie mixte attire massivement les investisseurs privés. Les structures de financement – BOOT pour le solaire, dette climatique pour l’immobilier, partenariats pour le raffinage – témoignent d’un écosystème financier qui se structure autour de projets bancables et transparents.

L’impact sur l’emploi s’annonce significatif. Les chantiers solaires et hôteliers génèrent des centaines d’emplois directs et indirects, tout en développant de nouvelles compétences techniques dans la maintenance, la gestion énergétique et l’efficacité énergétique.

Pour Abidjan, l’enjeu dépasse la simple question énergétique. En proposant des infrastructures hôtelières “vertes” avec espaces de coworking et centres de conférences, la capitale économique renforce son attractivité comme hub d’affaires régional tout en maîtrisant son empreinte carbone.

Les défis de l’exécution

Malgré ces perspectives encourageantes, plusieurs écueils guettent. Les retards de livraison constituent un risque récurrent dans les grands projets d’infrastructure, particulièrement quand ils impliquent des raccordements réseau complexes. La transparence du cadre tarifaire et des contrats d’achat d’électricité sera déterminante pour maintenir l’appétit des investisseurs privés.

Plus fondamentalement, la cohérence climatique de l’ensemble nécessite un pilotage fin. Le développement du raffinage doit s’accompagner d’une modernisation des processus et d’une montée en gamme vers des carburants plus propres, sous peine de créer des “actifs échoués” à moyen terme.

Le calendrier est serré : premières mises en service solaires dès 2026, livraison des quatre centrales en 2027, objectif de 925 MW solaires en 2030. La réussite dépendra de la capacité des autorités à tenir ces jalons tout en maintenant la qualité des réalisations.

Un changement d’échelle “à l’ivoirienne”

La Côte d’Ivoire dessine ainsi les contours d’une transition énergétique qui change véritablement d’échelle, assumant la complexité des équilibres économiques et temporels. Loin des approches dogmatiques, elle mise sur la complémentarité des sources et la mobilisation massive de capitaux privés pour transformer progressivement son mix énergétique.

Ce changement d’échelle “à l’ivoirienne” pourrait inspirer d’autres économies émergentes confrontées aux mêmes défis : concilier souveraineté énergétique, compétitivité économique et trajectoire climatique crédible. À condition, bien sûr, que l’exécution soit à la hauteur des ambitions affichées et que les 925 MW solaires promis pour 2030 voient effectivement le jour.


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