Le gouvernement ivoirien a adopté le 1er octobre 2025 une réforme d’envergure du régime de retraite des salariés du secteur privé. Avec le doublement de la pension minimum et la suppression du plafond de remplacement, ces mesures promettent d’améliorer le pouvoir d’achat de dizaines de milliers de retraités, mais posent la question de leur soutenabilité financière.
Des mesures sociales ambitieuses
La mesure phare de cette réforme concerne le relèvement de la pension minimum, qui passera de 30 000 à 60 000 FCFA à compter de 2026. Cette hausse de 100% devrait bénéficier à 39 156 retraités du secteur privé relevant du Régime général des travailleurs salariés (RGTS). Parallèlement, la pension proportionnelle minimum, destinée aux bénéficiaires ayant une carrière incomplète, grimpe de 30 000 à 37 000 FCFA, touchant quelque 6 027 personnes supplémentaires.
Le gouvernement a également revalorisé le taux d’annuité, c’est-à-dire le pourcentage appliqué par année de cotisation pour calculer la pension. Ce taux passe de 1,7% à 2% pour les 15 premières années de carrière, avant de revenir à 1,7% à partir de la 16e année. Cette amélioration concerne environ 7 050 cotisants.
Un taux de remplacement porté à 100%
L’innovation majeure réside dans la suppression du plafond de remplacement. Jusqu’à présent limité à 50%, le taux de remplacement – rapport entre la pension et le dernier salaire – peut désormais atteindre 100%. Concrètement, un retraité ayant effectué une carrière complète pourrait percevoir une pension équivalente à son dernier salaire.
La réforme étend également la pension d’orphelin, auparavant réservée aux enfants ayant perdu leurs deux parents assurés. Cette prestation sera désormais accordée dès la perte d’un seul parent, père ou mère. Les orphelins mineurs de moins de 21 ans pourront y prétendre simultanément avec le conjoint survivant. Le nombre de bénéficiaires pourrait ainsi passer de moins de 200 à 1 836 dès 2026.
Un impact économique à double tranchant
Pour les petits retraités percevant actuellement le minimum, le doublement à 60 000 FCFA représente une bouffée d’oxygène face au coût de la vie. Cette revalorisation devrait mécaniquement améliorer le pouvoir d’achat de milliers de ménages modestes et stimuler la consommation, particulièrement dans les segments des biens de première nécessité.
L’amélioration du régime de pension pourrait également inciter davantage de travailleurs du secteur informel à rejoindre le secteur formel, élargissant ainsi l’assiette de cotisation et renforçant la couverture sociale. Un effet multiplicateur sur l’activité économique locale est envisageable, surtout dans les zones urbaines où résident de nombreux retraités.
Des défis de taille
Toutefois, ces avancées soulèvent d’importantes questions de soutenabilité. Le relèvement des minima, la hausse du taux d’annuité et l’ouverture du remplacement jusqu’à 100% induisent une augmentation substantielle des engagements de pension. Si les cotisations n’augmentent pas pour compenser ces charges additionnelles, il faudra mobiliser des ressources publiques ou procéder à des ajustements.
La couverture limitée du RGTS constitue une autre limite. Ces réformes concernent principalement les salariés du secteur formel, alors qu’une proportion importante de travailleurs demeure dans l’informel sans droits à pension. L’impact global restera donc restreint à une portion de la population.
La capacité opérationnelle de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) sera également déterminante. Pour répondre aux attentes accrues, l’institution doit disposer de systèmes performants et d’une bonne gouvernance. Des retards de versement ou défauts de gestion pourraient miner la confiance des retraités.
Entre promesses et réalité
L’inflation représente un autre facteur critique. Si elle reste élevée, le gain nominal pourrait être atténué, réduisant l’impact réel sur le pouvoir d’achat. De même, une forte demande additionnelle dans certains segments pourrait générer des hausses de prix localisées.
Le véritable test de cette réforme sera sa capacité à tenir ses engagements sur un horizon de 20 à 30 ans. Entre l’annonce et l’application effective, le chemin sera long. La réussite dépendra du pilotage prudent de l’État et de la CNPS, ainsi que de leur capacité à moderniser les processus et à préserver l’équilibre financier du système dans la durée.
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