L’annonce présidentielle du 1er octobre 2025 fixant le prix bord champ minimum à 2 800 FCFA par kilogramme représente une hausse historique de 27%. Entre espoirs des planteurs et défis industriels, cette mesure redéfinit les équilibres d’une filière stratégique pour l’économie ivoirienne.
À l’ouverture de la campagne de commercialisation cacao-café 2025-2026, le président Alassane Ouattara a frappé un grand coup. Le prix minimum garanti pour des fèves bien séchées et triées passe de 2 200 à 2 800 FCFA par kilogramme, un niveau jamais atteint dans l’histoire de la filière ivoirienne. Cette augmentation de 27% intervient dans un contexte particulier, mêlant pressions économiques et considérations politiques.
Un contexte favorable mais exigeant
Plusieurs facteurs ont convergé pour justifier cette décision audacieuse. Les cours mondiaux du cacao connaissent une forte demande avec des prix records sur les marchés internationaux. Parallèlement, les producteurs réclamaient depuis longtemps une revalorisation face à l’envolée des coûts de production – intrants, transport, main-d’œuvre.
Dans une année marquée par la présidentielle d’octobre 2025, cette mesure revêt également une dimension politique évidente en direction du monde rural. Un geste d’autant plus significatif que le cacao pèse lourd dans l’économie nationale : jusqu’à 40% des recettes d’exportation et 15 à 20% du PIB selon les estimations.
Un souffle financier pour les planteurs
Pour les producteurs, particulièrement les petits planteurs, cette hausse représente une bouffée d’oxygène. Le calcul est simple : sur une récolte d’une tonne, un producteur perçoit désormais 2,8 millions de FCFA contre 2,2 millions précédemment, soit un gain brut de 600 000 FCFA.
Ce supplément permettra de mieux couvrir les frais de fonctionnement et d’améliorer la trésorerie en zone rurale. Pour les producteurs les mieux organisés, cette marge supplémentaire ouvre la voie à des investissements dans la diversification culturale, l’entretien des vergers ou l’amélioration de la transformation post-récolte.
Les coopératives, acteurs clés de l’agrégation et de la transformation locale, pourraient également bénéficier d’une stabilité financière accrue. Elles disposeront de marges de manœuvre pour investir dans des infrastructures (entrepôts, équipements) et renforcer leurs services aux membres. Le défi majeur reste de garantir que le surplus atteigne effectivement les producteurs et ne soit pas capté par des intermédiaires ou des coûts logistiques mal maîtrisés.
L’industrie de transformation sous pression
Revers de la médaille : les transformateurs locaux – usines de broyage et chocolateries – devront absorber un coût d’achat des fèves plus élevé. Pour préserver leurs marges, plusieurs stratégies s’offrent à eux : répercuter une partie du surcoût sur les prix finaux, améliorer l’efficacité opérationnelle, ou négocier des contrats d’approvisionnement à long terme.
Sur le plan international, les exportateurs ivoiriens devront maintenir leur compétitivité face aux autres origines tout en répondant aux exigences de qualité et de traçabilité. Cette hausse pourrait renforcer la position de la Côte d’Ivoire dans l’Initiative Cacao Côte d’Ivoire – Ghana (ICCIG), permettant au pays d’adopter une posture plus ferme face aux multinationales du chocolat.
Des retombées macro-économiques à double tranchant
Si la production se maintient ou progresse, la Côte d’Ivoire pourrait capter une plus grande part de la valeur ajoutée à l’exportation, bénéficiant directement à la balance commerciale. L’augmentation des revenus des producteurs engendrera aussi des effets multiplicateurs dans les zones rurales, dynamisant les économies locales et les recettes fiscales.
Cependant, l’injection massive de pouvoir d’achat en zone rurale pourrait générer des pressions inflationnistes sur les marchés locaux si elle n’est pas bien coordonnée. Le gouvernement devra surveiller de près ces mécanismes.
Les conditions du succès
Pour que cette mesure tienne ses promesses, plusieurs conditions sont impératives. La qualité et la traçabilité des fèves doivent être renforcées, notamment pour répondre aux exigences européennes sur la déforestation importée. Les rendements ne doivent pas fléchir, nécessitant la poursuite des efforts d’intensification culturale et de résilience climatique.
La gestion budgétaire sera également cruciale. Le surcoût doit être soutenable sur le long terme sans grever excessivement le Trésor public. Enfin, tous les producteurs, y compris ceux des zones reculées, doivent bénéficier de cette augmentation pour éviter d’accentuer les inégalités régionales.
Cette nouvelle donne pourrait marquer un tournant historique dans la quête de valorisation pour les producteurs ivoiriens. Mais sans accompagnement stratégique rigoureux, le risque est de voir cette mesure se transformer en simple geste électoral sans impact structurel durable.
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