Alors que le pays cherche à renforcer la résilience de ses populations face aux chocs économiques et climatiques, la micro-assurance apparaît comme un levier de développement prometteur mais encore marginal dans le paysage financier ivoirien.
Avec une croissance de 123% de sa couverture entre 2011 et 2014 – la deuxième plus forte progression de la région après le Ghana – la Côte d’Ivoire a démontré le potentiel de la micro-assurance sur son territoire. Pourtant, près d’une décennie plus tard, ce segment reste largement sous-développé malgré des initiatives encourageantes.
Un outil de protection adapté aux revenus modestes
La micro-assurance se distingue de l’assurance classique par des primes faibles, des garanties simplifiées et des canaux de distribution accessibles. Elle cible particulièrement les populations exclues des circuits traditionnels : petits agriculteurs, micro-entrepreneurs, ménages à revenus modestes. Les garanties couvrent essentiellement le décès, la santé, les accidents, ainsi que les risques agricoles comme les pertes de récolte.
Sur le terrain, quelques acteurs ont franchi le pas. MTN Côte d’Ivoire s’est associé à aYo Holdings pour proposer des produits d’assurance vie et santé via mobile. Le groupe SUNU Assurances développe également des offres simplifiées. Ces initiatives s’inscrivent dans le cadre réglementaire de la CIMA qui prévoit des dispositions adaptées pour ces produits spécifiques.
Des retombées économiques multiples
Au-delà de sa dimension sociale, la micro-assurance peut générer des effets macroéconomiques significatifs. Des études récentes menées en Afrique montrent un impact positif sur la croissance économique, particulièrement marqué dans les économies les moins développées où l’effet marginal est plus fort.
Les bénéfices sont multiples. En absorbant les chocs financiers liés aux maladies, décès ou pertes agricoles, les ménages assurés évitent de puiser dans leur épargne ou de contracter des dettes coûteuses. Cette stabilité financière les rend plus enclins à investir dans des activités productives ou l’éducation de leurs enfants.
Pour le secteur assurantiel lui-même, l’expansion de la micro-assurance stimule l’innovation, notamment dans les produits paramétriques et l’utilisation du mobile. Elle renforce également l’inclusion financière en s’intégrant aux services de microfinance et de mobile money.
Dans un contexte marqué par les aléas climatiques et sanitaires, la micro-assurance peut aussi améliorer la résilience des agriculteurs face aux sécheresses et inondations, contribuant ainsi à stabiliser la production nationale et l’offre alimentaire.
Des obstacles persistants
Malgré ce potentiel, plusieurs freins limitent le développement du secteur. La faible culture de l’assurance reste le principal obstacle : nombre d’Ivoiriens perçoivent encore le paiement de cotisations préalables comme risqué. Les coûts de transaction élevés, l’asymétrie d’information et les risques de fraude compliquent également l’équation économique.
Sur le plan réglementaire, les acteurs du secteur plaident pour des avantages fiscaux – notamment l’exonération de taxes et d’impôts sur les revenus d’assurance – qui tardent à être pleinement adoptés. Le manque de données fiables et d’historique de sinistres rend par ailleurs difficile l’évaluation actuarielle des risques.
Les clés du succès
Pour débloquer ce potentiel, plusieurs conditions doivent être réunies. L’État pourrait adopter un régime fiscal véritablement incitatif pour les produits de micro-assurance. Le développement de partenariats intersectoriels – associant opérateurs mobiles, institutions financières, organisations paysannes et ONG – apparaît également crucial pour étendre la portée géographique de ces services.
L’innovation technologique, notamment l’assurance mobile et paramétrique, doit être encouragée pour réduire les coûts opérationnels. Parallèlement, des campagnes massives d’éducation financière s’avèrent indispensables pour bâtir la confiance des populations envers ces produits.
Si ces conditions sont réunies, la micro-assurance pourrait contribuer significativement à réduire la pauvreté, stabiliser la consommation des ménages vulnérables, améliorer la productivité agricole et renforcer la résilience macroéconomique du pays face aux chocs externes. Un défi à la mesure des ambitions de développement inclusif de la Côte d’Ivoire.
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