L’expansion européenne, talon d’Achille des entrepreneurs marocains

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Les revers d’Othman Benjelloun et Rita Zniber révèlent une vulnérabilité partagée par de nombreux entrepreneurs marocains : leur incapacité à percer sur les marchés européens malgré leurs empires continentaux.

À 92 ans, Othman Benjelloun reste une figure emblématique de la finance marocaine et africaine. Patron d’O Capital Group, ex-FinanceCom, il dirige un empire incluant Bank of Africa (anciennement BMCE Bank), RMA Watanya, Orange Maroc ou encore CTM. Parallèlement, Rita Zniber préside Diana Holding, géant agro-industriel de 400 millions d’euros de chiffre d’affaires employant plus de 31 000 personnes. Décorée de la Légion d’Honneur et régulièrement classée par Forbes Afrique, elle incarne la réussite entrepreneuriale féminine au Maroc.

Pourtant, ces deux empires économiques révèlent un paradoxe troublant : leur expansion européenne constitue leur véritable talon d’Achille. Leurs tentatives de conquête se sont soldées par des échecs retentissants, illustrant une vulnérabilité partagée par de nombreux entrepreneurs marocains face aux marchés européens.

Le naufrage londonien de Benjelloun

Au début des années 2000, Othman Benjelloun nourrit de grandes ambitions européennes. En 2007, il lance MediCapital, une banque basée à Londres qu’il conçoit comme sa porte d’entrée vers l’Europe. L’initiative s’inscrit dans une stratégie de diversification géographique, alors que ses activités africaines connaissent une croissance soutenue.

Parallèlement, en 2006, le financier marocain expérimente la distribution avec les épiceries “Hanouty”, développées en partenariat avec Moncef Belkhyat. Le concept vise à reproduire le modèle des commerces de proximité marocains sur le marché européen.

Ces deux paris se révèlent désastreux. MediCapital accumule rapidement les pertes, incapable de percer sur le marché bancaire londonien ultra-concurrentiel. L’établissement peine à attirer une clientèle suffisante et à générer des revenus pérennes face aux acteurs établis.

Le fiasco des épiceries Hanouty s’avère encore plus cuisant. Malgré un investissement dépassant 250 millions de dirhams, le réseau s’effondre en 2012 après une vague de plaintes massives de franchisés. Les difficultés d’adaptation au marché européen, les problèmes logistiques et une mauvaise compréhension des attentes locales précipitent la chute.

Diana Holding : l’expansion fantôme

Rita Zniber affiche un parcours tout aussi impressionnant que celui de Benjelloun sur le continent africain. Son groupe Diana Holding s’est imposé comme un leader de l’agro-industrie, diversifiant ses activités dans l’huile d’olive, les conserves et l’agriculture. Ses distinctions internationales et sa reconnaissance par les institutions européennes laissaient présager une expansion naturelle vers l’Europe.

Pourtant, aucune initiative concrète de Diana Holding en Europe n’a abouti. Malgré les annonces et les intentions affichées, aucun investissement notable – qu’il s’agisse d’acquisitions, d’implantations d’usines ou de joint-ventures – ne s’est concrétisé sur le marché européen.

Cette absence de développement industriel ou commercial contraste avec la mobilisation des ressources du groupe et la stature internationale de sa dirigeante. Plusieurs facteurs expliquent cette situation : la complexité réglementaire européenne dans l’agroalimentaire, particulièrement exigeante en matière de normes sanitaires et environnementales, la concurrence féroce d’acteurs déjà implantés, et l’absence de relais opérationnels sur le terrain européen.

Un syndrome marocain face à l’Europe

Ces revers ne sont pas isolés et révèlent un syndrome plus large touchant les entrepreneurs marocains. D’abord, les succès africains ne garantissent nullement une transposition réussie en Europe. Les codes, les réglementations et les attentes des consommateurs diffèrent radicalement entre ces marchés.

La compréhension insuffisante des spécificités locales constitue un facteur déterminant d’échec. Les entrepreneurs africains, habitués à évoluer dans des environnements où ils maîtrisent parfaitement les rouages institutionnels et culturels, se retrouvent démunis face à la complexité européenne.

La question des ressources humaines apparaît également cruciale. Réussir en Europe nécessite de s’appuyer sur des équipes locales expérimentées, capables de naviguer dans l’écosystème réglementaire et commercial. L’absence de tels relais condamne souvent les initiatives les mieux intentionnées.

Vers une approche plus pragmatique

Ces échecs n’invalident pas pour autant les capacités entrepreneuriales de Benjelloun et Zniber. Ils rappellent plutôt que l’expansion internationale exige une transformation stratégique profonde. Les alliances avec des partenaires européens établis, le recrutement de spécialistes des marchés locaux et une approche progressive par joint-ventures semblent constituer des voies plus prometteuses.

L’Afrique demeure le terrain d’excellence de ces entrepreneurs. Benjelloun continue d’étendre son empire bancaire sur le continent, tandis que Zniber renforce sa position dans l’agro-industrie maghrébine et ouest-africaine. Leurs échecs européens confirment que l’expansion internationale constitue le véritable défi des entrepreneurs marocains, révélant les limites d’un modèle économique pourtant performant sur son territoire naturel.


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