Le PPEF ivoirien affiche des résultats encourageants mais mise sur l’engagement citoyen

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La justice économique spécialisée de Côte d’Ivoire franchit une nouvelle étape avec l’organisation de sa première Journée citoyenne, révélant des succès tangibles tout en appelant à une mobilisation renforcée de la société civile.

Le Pôle Pénal Économique et Financier (PPEF) de Côte d’Ivoire sort de l’ombre. Le 11 juillet dernier, à Abidjan-Marcory, cette juridiction spécialisée a organisé sa première Journée citoyenne sous le thème “La réponse judiciaire ivoirienne à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme”. Un événement inédit qui marque une volonté d’ouverture et de transparence dans un domaine traditionnellement opaque.

Des résultats qui parlent d’eux-mêmes

Depuis sa création en janvier 2020, le PPEF a traité 1 964 procédures, dont 1 174 ont été clôturées et 819 jugées. Ces chiffres, communiqués par le garde des Sceaux Jean Sansan Kambilé, témoignent d’une activité judiciaire soutenue dans un secteur crucial pour l’économie ivoirienne. Plus impressionnant encore, le bilan matériel : 97 immeubles saisis, des milliers de véhicules confisqués et plus de 15 milliards de francs CFA d’avoirs récupérés.

Cette performance s’inscrit dans une démarche plus large de renforcement de l’appareil judiciaire ivoirien. Le PPEF, juridiction spécialisée dans les crimes économiques et financiers, concentre désormais l’essentiel de la lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme sur le territoire national.

Un partenariat stratégique avec l’Allemagne

L’événement a également mis en lumière le rôle crucial de la coopération internationale. L’ambassadeur d’Allemagne, Matthias Veltin, a salué le professionnalisme du PPEF et souligné l’importance du Projet “Bonne Gouvernance II”, financé par le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ) et mis en œuvre par la GIZ.

Cette collaboration germano-ivoirienne se traduit concrètement par des avancées technologiques significatives, notamment la numérisation des procédures judiciaires et le développement de capacités spécifiques pour lutter contre les nouveaux défis, comme ceux posés par les cryptomonnaies. Un soutien technique et financier qui renforce la crédibilité institutionnelle de la justice économique ivoirienne.

L’impératif d’une justice participative

Au-delà des résultats quantitatifs, l’événement a révélé une préoccupation majeure : l’engagement citoyen. Blanche Essoh Abanet, présidente du PPEF, a insisté sur le fait que la réussite de la lutte contre la criminalité financière nécessite l’implication de chaque citoyen. Un message relayé par une coalition de sept organisations de la société civile, qui a formulé des recommandations concrètes.

Ces ONG plaident pour la création d’un cadre de concertation permanent entre le PPEF et la société civile, la mise en place de mécanismes de protection des lanceurs d’alerte et le développement d’actions de sensibilisation au niveau communautaire et scolaire. Une approche qui reconnaît que la lutte contre la corruption ne peut être l’affaire des seuls magistrats.

Des défis persistants

Malgré ces avancées, plusieurs obstacles demeurent. La sensibilisation du grand public aux mécanismes de saisine du PPEF reste insuffisante. De nombreux citoyens ignorent encore comment signaler des activités suspectes ou porter plainte pour des crimes économiques. La protection des lanceurs d’alerte, bien qu’évoquée, nécessite un cadre juridique plus robuste pour encourager les témoignages.

Par ailleurs, l’évolution constante des techniques de blanchiment et de financement illicite, notamment avec l’émergence des monnaies virtuelles et des nouvelles technologies financières, impose une adaptation permanente des moyens d’investigation et de poursuite.

Vers une justice économique modernisée

Cette première Journée citoyenne constitue un tournant symbolique. Elle marque la volonté du PPEF de sortir de sa tour d’ivoire pour se rapprocher des citoyens et expliquer ses missions. Plus qu’un exercice de communication, cette initiative traduit une conception moderne de la justice économique, où la transparence et la participation citoyenne deviennent des piliers de l’efficacité judiciaire.

Le succès de cette démarche dépendra désormais de la capacité des institutions à transformer ces bonnes intentions en mécanismes durables. La création d’un cadre de concertation permanent, l’amélioration de la protection des témoins et le renforcement des campagnes de sensibilisation constituent autant de chantiers à mener pour consolider les acquis et amplifier l’impact de cette justice spécialisée.

Dans un contexte économique régional où la lutte contre la criminalité financière devient un enjeu majeur de développement, l’expérience ivoirienne pourrait servir de modèle. À condition que l’élan citoyen initié le 11 juillet se concrétise par des actions durables et mesurables.


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