La guerre des métaux critiques : quand la rivalité sino-américaine redessine les enjeux économiques mondiaux

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Entre escalade tarifaire et contrôle des ressources stratégiques, la bataille commerciale entre Washington et Pékin révèle les nouvelles fractures de l’économie mondiale. Une dynamique qui pourrait redéfinir les opportunités pour l’Afrique.

L’année 2025 marque un tournant dans les relations économiques internationales. Après une escalade spectaculaire des droits de douane entre avril et mai – atteignant 145% sur les produits chinois aux États-Unis et 125% sur les biens américains en Chine – les deux superpuissances ont finalement trouvé un compromis temporaire. Le 12 mai, à l’issue de négociations tendues à Genève, Washington et Pékin ont annoncé une trêve de 90 jours, ramenant ces taxes à 30% et 10% respectivement.

Cette pause dans les hostilités commerciales ne doit pas masquer l’enjeu fondamental qui sous-tend cette guerre économique : le contrôle des métaux critiques et des terres rares, véritables nerfs de l’économie moderne.

La Chine, maître du jeu des métaux stratégiques

La République populaire contrôle près de 80% de l’approvisionnement mondial en terres rares, ces 17 éléments chimiques essentiels à l’industrie électronique, aux technologies vertes et aux applications militaires. Cette domination ne s’arrête pas là : depuis 2023, Pékin a mis en place des restrictions d’exportation sur différents métaux critiques, visant successivement le gallium et le germanium en juillet 2023, puis le graphite de haute pureté fin 2023, et l’antimoine en été 2024.

En réponse à cette guerre commerciale, la Chine a décidé de limiter ses exportations de métaux critiques, un secteur où elle jouit d’une position de force quasi-monopolistique. Cette stratégie s’avère particulièrement efficace car elle touche des matériaux indispensables aux industries de pointe, notamment la fabrication de semi-conducteurs, de batteries pour véhicules électriques et d’équipements de défense.

Des implications économiques majeures

L’impact de cette bataille dépasse le cadre bilatéral sino-américain. Les restrictions commerciales chinoises constituent une arme à double tranchant, pouvant convaincre les industriels touchés de diversifier leurs fournisseurs, créant ainsi de nouvelles opportunités pour d’autres pays producteurs.

La croissance mondiale, attendue à 2,7% en 2025-2026 selon la Banque mondiale, reste insuffisante pour soutenir un développement économique durable. Dans ce contexte, les tensions commerciales ajoutent une incertitude supplémentaire qui pèse sur les investissements et les chaînes d’approvisionnement mondiales.

Selon le FMI, l’intensification des tensions commerciales et le haut degré d’incertitude entourant les politiques publiques pourraient freiner davantage la croissance mondiale. Les prévisions de croissance ont d’ailleurs été révisées à la baisse par rapport aux estimations de janvier 2025.

L’Afrique, continent d’opportunités

Cette reconfiguration géoéconomique pourrait profiter à l’Afrique, continent riche en ressources minières. Le continent recèle d’importantes réserves de métaux critiques : cobalt en République démocratique du Congo, lithium au Zimbabwe, terres rares au Burundi et en Tanzanie.

Washington intensifie ses efforts pour briser la domination chinoise sur l’approvisionnement en minéraux essentiels, notamment à travers l’Initiative de gouvernance des ressources énergétiques (ERGI) qui couvre plusieurs pays africains dont le Botswana, la République démocratique du Congo, la Namibie et la Zambie.

Pour les économies africaines, cette bataille des métaux critiques représente une opportunité de diversifier leurs partenariats économiques et de valoriser leurs ressources minières. Cependant, le défi reste d’éviter de reproduire le modèle extractif traditionnel pour développer des chaînes de valeur locales dans la transformation de ces matériaux stratégiques.

Vers une nouvelle géographie économique

Cette guerre commerciale s’inscrit dans un vaste retour du protectionnisme américain, étendu au Canada et au Mexique, et doublé d’une offensive sécuritaire inédite. Elle révèle l’émergence d’un néo-mercantilisme où la pression économique devient un outil central de la politique extérieure.

La trêve actuelle entre Washington et Pékin, bien que bienvenue pour les marchés financiers, ne résout pas les questions structurelles qui alimentent cette rivalité. Les enjeux dépassent le simple cadre commercial pour englober des dimensions géopolitiques, technologiques et sécuritaires.

Pour les entreprises africaines et les investisseurs du continent, cette nouvelle donne géoéconomique exige une lecture fine des équilibres en construction. L’enjeu n’est plus seulement de choisir entre les modèles chinois et américain, mais de saisir les opportunités créées par cette fragmentation des chaînes d’approvisionnement mondiales.

Dans cette recomposition géoéconomique, l’Afrique dispose d’atouts considérables, à condition de développer une stratégie cohérente de valorisation de ses ressources et de diversification de ses partenariats économiques.


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