Dans un continent où le mobile money révolutionne l’accès aux services financiers, une startup ivoirienne tire son épingle du jeu en s’attaquant à l’un des défis majeurs du secteur : l’interopérabilité des paiements. HUB2, fondée fin 2018 par Ashley Gauzère, ancien ingénieur télécom d’Orange Afrique, vient de boucler une levée de fonds record de 8,5 millions de dollars qui confirme son statut de leader régional.
Une réponse aux défis de l’écosystème financier africain
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en Côte d’Ivoire, 75% de la population dispose d’un portefeuille mobile contre seulement 20% possédant un compte bancaire classique. Cette révolution du mobile money s’accompagne toutefois d’un écueil majeur : la fragmentation des systèmes de paiement. Entre Orange Money, MTN MoMo, Wave ou encore Moov, les commerçants et entreprises doivent jongler avec une multitude de plateformes incompatibles.
C’est précisément ce problème que HUB2 entend résoudre. Après vingt années passées dans les télécommunications, Ashley Gauzère a lancé sa startup avec une vision claire : « créer une infrastructure et unifier les paiements dans la région », à l’image de ce que Stripe a accompli sur d’autres marchés.
Un pivot stratégique payant
Initialement orientée vers les petits marchands en ligne, HUB2 a rapidement opéré un pivot stratégique. Face à un marché B2C trop restreint, l’entreprise s’est tournée vers le segment B2B après avoir séduit son premier client : un assureur. Cette réorientation s’est révélée particulièrement judicieuse, l’assurance représentant aujourd’hui un pan important de l’activité avec déjà 30 000 agents utilisateurs, dont 5 000 en Côte d’Ivoire.
La stratégie de HUB2 repose sur une approche d’agrégation des paiements via une API unique. La plateforme permet aux fintechs, banques, assureurs et autres acteurs financiers d’accepter tous types de paiements – mobile money, virements bancaires, cartes bancaires et même cryptomonnaies – sans avoir à développer des intégrations multiples.
Une infrastructure technique de pointe
L’avantage concurrentiel de HUB2 réside dans sa capacité à connecter plus de 28 réseaux de mobile money locaux à travers une infrastructure multi-pays et multi-opérateur. La startup revendique un taux de réussite avoisinant 100% sur ses transactions, contre 40 à 50% pour les agrégateurs locaux traditionnels.
Cette performance s’appuie sur une architecture « mobile-first » à haute disponibilité, intégrant des mécanismes de sécurité de niveau bancaire : chiffrement de bout en bout, authentification multifacteur et conformité aux standards réglementaires. La plateforme prend en charge plus de 40 types de paiements et opère désormais dans 9 pays de la zone francophone.
Une croissance spectaculaire
Les résultats financiers témoignent de la pertinence du modèle. Le volume de transactions traité par HUB2 est passé de 70 millions d’euros en 2022 à près d’un milliard d’euros anticipé fin 2024, avec une croissance mensuelle d’environ 15%. L’entreprise compte aujourd’hui 55 clients fintech répartis sur six pays francophones, incluant des acteurs reconnus comme Julaya, Onafriq, NALA ou CinetPay.
Cette expansion s’accompagne d’un développement humain soutenu. L’équipe HUB2 compte désormais 35 employés répartis entre Abidjan, La Réunion et Paris, reflétant l’ambition panafricaine de la startup.
Des investisseurs convaincus
La récente série A de 8,5 millions de dollars, menée par TLcom Capital avec la participation de FMO, Enza Capital, Bpifrance et le fondateur de Thunes, vient couronner un parcours de financement cohérent. Après une seed de 1,8 million de dollars en 2021 et un financement de 1,25 million d’euros en 2023, cette levée positionne HUB2 comme l’une des fintechs les mieux financées de la région.
Les investisseurs saluent particulièrement l’approche « très horizontale » de l’entreprise, qui vise à couvrir l’ensemble des moyens de paiement disponibles sur le marché africain. Cette stratégie s’inscrit dans un marché total estimé à 335 milliards de dollars, offrant un potentiel de croissance considérable.
Des défis à la hauteur des ambitions
Malgré ces succès, HUB2 doit naviguer dans un environnement complexe. L’évolution du cadre réglementaire, notamment les initiatives de la BCEAO pour promouvoir l’interopérabilité dans l’UEMOA, crée à la fois des opportunités et des contraintes de conformité.
L’adoption par les acteurs traditionnels reste également progressive. Le secteur des assurances francophones demeure largement « papier », avec des certificats souvent délivrés plusieurs semaines après souscription. Cette transition numérique représente un défi majeur mais aussi une opportunité considérable pour HUB2.
La concurrence internationale commence également à s’intensifier. Si aucun équivalent direct n’existe encore en Afrique francophone, des acteurs comme Rapyd au niveau global ou Paystack au Nigeria montrent la voie à suivre.
Un avenir prometteur
Pour maintenir son avance, HUB2 prépare déjà l’avenir avec le lancement prochain de paiements transfrontaliers et de transferts basés sur des stablecoins. L’intégration renforcée aux réseaux de cartes bancaires via Cybersource/Visa complète cette stratégie d’expansion.
L’ambition affichée est claire : devenir un acteur incontournable des paiements numériques en Afrique francophone tout en favorisant une inclusion financière durable. Avec plus de 150 réseaux de paiement fédérés sous une même infrastructure et des dizaines de millions de porteurs de compte couverts, HUB2 contribue déjà à briser le cloisonnement régional.
Dans un écosystème financier africain en pleine mutation, HUB2 incarne cette nouvelle génération de fintechs qui transforment l’infrastructure de paiement du continent. Son succès pourrait bien définir les standards de l’interopérabilité financière en Afrique francophone pour les années à venir.
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