FinTech : Onze startups ouest-africaines franchissent le cap de l’agrément BCEAO

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L’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) vient de franchir une étape décisive dans la structuration de son écosystème FinTech. Onze entreprises de technologies financières ont officiellement obtenu leur agrément de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), marquant l’entrée en vigueur d’un nouveau cadre réglementaire qui redéfinit les règles du jeu dans la région.

Cette formalisation s’inscrit dans le cadre de l’Instruction N°001-01-2024, entrée en vigueur le 23 janvier 2024, qui impose désormais une autorisation officielle pour tous les prestataires de services de paiement numériques. Une révolution silencieuse qui transforme un secteur longtemps caractérisé par son agilité et sa flexibilité en un environnement plus structuré et sécurisé.

Les nouveaux acteurs agréés : une diversité géographique remarquable

La liste des FinTechs agréées révèle une répartition géographique équilibrée à travers l’UEMOA. La Côte d’Ivoire se distingue avec quatre entreprises agréées, dont SYCA SA, spécialisée dans les solutions de paiement et de gestion de points de vente, et JULAYA Côte d’Ivoire SA, qui a récemment levé 5 millions de dollars auprès de fonds européens comme Speedinvest.

Le Sénégal n’est pas en reste avec quatre acteurs également, parmi lesquels Flutterwave Sénégal SA, filiale de la licorne africaine, et DUNYA Digital Payment SA, récemment acquise par Peach Payments dans une stratégie d’expansion régionale. Cette dernière affiche des performances remarquables avec plus de 4 000 clients B2B et 70 000 transactions quotidiennes.

Le groupe InTouch se démarque par sa présence dans deux pays avec des entités agréées au Burkina Faso et au Mali. Cette entreprise panafricaine opère déjà dans 27 pays africains et détient diverses licences, y compris le statut de Facilitateur de Paiement agréé par Visa.

Le Niger complète ce tableau avec iFUTUR SA, pionnière locale lancée en 2015, qui ambitionne désormais d’étendre ses services à l’ensemble des huit États de l’UEMOA grâce à son agrément.

Des modèles économiques variés pour une inclusion financière renforcée

Les FinTechs agréées présentent une diversité de modèles économiques reflétant la richesse de l’écosystème. SYCA SA cible prioritairement le secteur informel ouest-africain avec des solutions adaptées aux petites entreprises, ayant déjà dépassé les 100 millions de dollars de transactions traitées.

JULAYA se positionne sur le segment des solutions B2B avec un compte professionnel complet qui simplifie la gestion financière des entreprises. La plateforme dessert plus de 4 000 professionnels et traite plus de 100 000 paiements annuels, avec des plans d’expansion au Togo et au Burkina Faso.

iFUTUR SA mise sur la transformation des commerces de proximité en points multiservices, permettant le paiement de factures, la vente de tickets de bus et les services d’assurance via sa plateforme iMONEY qui compte plus de 1 200 agents agréés.

Un cadre réglementaire exigeant mais nécessaire

L’obtention de l’agrément BCEAO n’est pas un parcours de facilité. Les exigences sont substantielles : capital social minimum variant de 10 à 100 millions de francs CFA selon les services proposés, assurance responsabilité civile professionnelle obligatoire, siège social physique dans l’UEMOA, et démonstration d’honorabilité et de compétences techniques approfondies.

Ces critères stricts visent à professionnaliser un secteur qui a longtemps évolué dans un environnement moins structuré. La BCEAO impose également des systèmes robustes de gouvernance, de contrôle interne et de gestion des risques, adaptés à la taille et à la complexité des services proposés.

Une transition mouvementée mais salutaire

La mise en œuvre de cette réglementation n’a pas été sans heurts. Initialement fixée au 1er mai 2025, l’échéance a dû être reportée au 31 août 2025 face aux difficultés rencontrées par l’écosystème. Plus de 90% des FinTechs sénégalaises ont signalé des interruptions de service, entraînant un retour temporaire aux transactions en espèces pour de nombreuses entreprises.

Cette période de turbulence illustre le défi inhérent à tout processus de formalisation : équilibrer l’innovation et la stabilité. Si les perturbations initiales ont pu freiner temporairement l’inclusion financière, l’objectif à long terme demeure l’établissement d’un environnement plus sûr et plus fiable pour les paiements numériques.

Vers une nouvelle ère de confiance et de croissance

L’agrément de ces onze FinTechs marque l’émergence d’un nouveau paradigme dans l’écosystème financier ouest-africain. Ces entreprises, désormais soumises à une surveillance rigoureuse, bénéficient en contrepartie d’une légitimité renforcée qui devrait faciliter leur accès aux financements et aux partenariats stratégiques.

La diversité des profils – des startups locales innovantes aux filiales de groupes internationaux établis – témoigne de la richesse d’un écosystème en pleine maturation. Certaines, comme DUNYA Digital Payment, ont démontré leur capacité à générer de la rentabilité dès la troisième année d’exploitation, transformant un investissement initial de 20 000 euros en entreprise profitable.

Les défis de demain

Malgré ces avancées, des défis persistent. L’absence d’une licence régionale unique oblige encore les FinTechs à solliciter des autorisations pays par pays, complexifiant l’expansion transfrontalière. Cette contrainte administrative pourrait limiter l’émergence de champions régionaux capables de rivaliser avec les géants internationaux.

L’enjeu sera également de préserver la diversité de l’écosystème en évitant que les exigences réglementaires n’excluent les plus petites structures innovantes. La consolidation du marché, si elle peut apporter plus de stabilité, ne doit pas se faire au détriment de l’innovation et de la capacité d’adaptation qui caractérisent traditionnellement le secteur FinTech.

Alors que le délai final du 31 août 2025 approche, ces onze pionnières ouvrent la voie à une nouvelle ère pour les services financiers numériques en Afrique de l’Ouest. Leur succès dans cette transition réglementaire pourrait bien déterminer l’avenir de l’inclusion financière dans une région où les besoins restent immenses et les opportunités considérables.


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