Fintech B2B : Julaya lève 800 millions FCFA auprès de la CDC-CI via une obligation convertible

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Le fonds public CDC-CI Capital poursuit sa stratégie d’investissement dans les fintechs ivoiriennes. Après Djamo et Ades, c’est au tour de Julaya, spécialiste des paiements B2B, de bénéficier d’un financement de 800 millions FCFA structuré en obligation convertible. L’accord a été signé le 17 octobre 2025 à Abidjan, marquant une nouvelle étape dans l’émergence d’un écosystème fintech local soutenu par des capitaux domestiques.

Cette opération intervient à un moment stratégique pour Julaya, quelques mois seulement après l’obtention de son agrément d’Établissement de Paiement délivré par la BCEAO en mai 2025. Ce statut réglementaire, le quatrième du genre en Côte d’Ivoire (n° EP.CI.004/2025), autorise la fintech à opérer directement les flux de paiement sans passer par un intermédiaire bancaire – un sésame qui change radicalement la donne opérationnelle pour une startup de l’écosystème financier.

Une fintech B2B en pleine structuration

Contrairement aux fintechs grand public centrées sur le paiement de détail, Julaya s’est positionnée sur un créneau spécifique : la digitalisation des paiements d’entreprises. Sa plateforme permet aux sociétés, ONG et organisations de gérer efficacement le versement des salaires, le règlement des fournisseurs et le paiement des agents de terrain, que ce soit en Côte d’Ivoire ou dans la sous-région.

Cette spécialisation B2B répond à un besoin réel des entreprises africaines qui peinent encore à moderniser leurs processus de paiement. Entre la gestion du cash, les virements bancaires souvent coûteux et lents, et les mobile money dispersés, les solutions intégrées comme celle de Julaya offrent traçabilité, rapidité et réduction des coûts opérationnels.

L’agrément d’Établissement de Paiement obtenu en mai dernier constitue donc un tournant. Il permet à Julaya d’internaliser davantage d’opérations – settlement, gestion des comptes de paiement – et de capter de nouveaux volumes auprès des PME et des grandes entreprises. C’est précisément à ce moment charnière que la CDC-CI a choisi d’intervenir.

L’obligation convertible : un instrument financier stratégique

Le choix de structurer ce financement en obligation convertible plutôt qu’en prise de participation directe mérite qu’on s’y attarde. Cette forme hybride entre dette et capital présente plusieurs avantages pour une startup en croissance.

Concrètement, une obligation convertible est une dette qui peut être transformée ultérieurement en actions selon des conditions prédéfinies : période d’exercice, valorisation de référence avec éventuellement une décote (discount) pour l’investisseur, plafond de valorisation (cap), ou encore des événements déclencheurs spécifiques.

Pour les fondateurs de Julaya, l’intérêt est immédiat : pas de dilution dans l’immédiat. Ils conservent leurs parts tant que la conversion n’a pas eu lieu. La discussion sur la valorisation de l’entreprise peut ainsi être reportée à un tour de financement futur, généralement dans un horizon de 12 à 24 mois, lorsque l’entreprise aura démontré sa capacité d’exécution et atteint des jalons de croissance qui justifieront une valorisation plus élevée.

Pour l’investisseur public qu’est la CDC-CI Capital, l’instrument permet d’aligner un objectif d’impact – inclusion financière, traçabilité des paiements, structuration de l’écosystème – avec une protection crédit. En attendant une éventuelle conversion, l’obligation génère des intérêts et bénéficie d’une priorité de remboursement en cas de difficultés.

Enfin, la vitesse d’exécution constitue un atout non négligeable. La documentation d’une obligation convertible est généralement plus légère qu’un tour de table en actions, permettant un décaissement plus rapide des fonds – un facteur crucial pour une startup qui doit saisir une fenêtre d’opportunité post-agrément.

Une stratégie sectorielle assumée par la CDC-CI

L’investissement dans Julaya s’inscrit dans une séquence qui dessine les contours d’une stratégie sectorielle claire de la part du fonds public. En février 2025, CDC-CI Capital annonçait déjà un ticket de 800 millions FCFA dans Djamo, fintech spécialisée dans la monnaie électronique et les paiements de détail. Mi-octobre 2025, c’était au tour d’Ades, startup de télémédecine, de recevoir 350 millions FCFA en fonds propres.

Ces trois investissements – Djamo, Ades, Julaya – totalisent près de 2 milliards FCFA injectés en moins d’un an dans l’innovation financière et sanitaire. Un volume qui témoigne de l’ambition de la CDC-CI de structurer l’écosystème startup ivoirien par des interventions substantielles, loin des tickets symboliques.

Ce dispositif s’appuie notamment sur le programme PCCET (Projet de Compétitivité et de Croissance Économique Tirée par le numérique), soutenu par la Banque mondiale, qui vise à financer l’innovation et l’inclusion financière. La CDC-CI joue ainsi son rôle d’investisseur d’amorçage et de catalyseur, prenant des risques que les investisseurs privés ne sont pas toujours prêts à assumer au stade early-stage.

Perspectives et points de vigilance

Avec ces 800 millions FCFA, Julaya dispose désormais de ressources pour accélérer son développement. Les priorités incluent l’élargissement de l’offre produit – cartes corporatives, APIs pour intégration avec les systèmes d’information des entreprises, outils de paie sophistiqués, solutions de cash-management pour les structures multisites – mais aussi le renforcement de la conformité réglementaire et la résilience technologique.

L’effet d’entraînement sur l’écosystème pourrait également s’avérer significatif. Après Djamo sur le paiement de détail et Ades sur la santé connectée, Julaya complète un triptyque qui structure la chaîne de valeur digitale. Cette dynamique peut attirer davantage de co-investisseurs privés dans les prochains tours de table prévus en 2026.

Toutefois, des défis demeurent. Le risque de conversion et la dilution future restent une réalité : selon les termes négociés et la performance de l’entreprise, la conversion pourra diluer significativement les fondateurs. L’enjeu sera d’atteindre rapidement les indicateurs clés de performance – volume brut de transactions (GMV), récurrence des clients, marge nette – pour justifier une valorisation attractive lors de la conversion.

Par ailleurs, la concurrence s’intensifie. D’autres acteurs ont obtenu des licences similaires en 2025 dans l’espace UEMOA, tandis que les banques traditionnelles développent leurs propres solutions digitales. La différenciation passera par la qualité de l’intégration technique, la distribution B2B et le service terrain – autant d’éléments qui nécessitent des investissements soutenus.

Un signal fort pour l’écosystème

Au-delà du cas Julaya, cette opération envoie un signal fort à l’ensemble de la scène startup ivoirienne : un continuum de financement domestique est en train de se structurer. Entre fonds publics, investisseurs privés locaux et family offices, les entrepreneurs technologiques peuvent désormais espérer lever des tickets significatifs sans nécessairement passer par des fonds étrangers.

Pour Julaya, la partie ne fait que commencer. Reste maintenant à transformer cette confiance financière en résultats opérationnels.


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