Entre l’augmentation historique du prix du cacao à 2 800 FCFA/kg et le succès d’une récente émission obligataire, l’État ivoirien dispose de nouvelles ressources. Mais ces gains financiers sont immédiatement contraints par le poids de la dette publique et les engagements vis-à-vis du FMI. Analyse d’un équilibre budgétaire précaire.
La hausse du prix bord champ du cacao de 2 200 à 2 800 FCFA par kilogramme constitue une injection significative de liquidités dans l’économie ivoirienne. Cette revalorisation de 27% vise à améliorer les revenus des planteurs, stimuler la consommation rurale et élargir l’assiette fiscale. Parallèlement, le succès de l’émission obligataire récente confirme l’accès maintenu aux marchés de capitaux, offrant une source de financement complémentaire.
Une dette qui limite les manœuvres
Malgré ces signaux positifs, la réalité budgétaire impose des contraintes sévères. La dette publique totale devrait se stabiliser autour de 58,1% du PIB en 2025, après avoir culminé à 59,3% en 2024. Ce niveau, bien que non catastrophique, absorbe une part considérable des recettes publiques à travers le service de la dette – remboursement du principal et paiement des intérêts.
L’État opère sous un arrangement avec le FMI qui exige une discipline budgétaire stricte, des réformes structurelles et le maintien du déficit sous des plafonds précis. Cette contrainte institutionnelle réduit mécaniquement les marges disponibles pour les dépenses discrétionnaires, même lorsque les recettes augmentent.
Les projections tablent sur une diminution progressive du ratio dette/PIB vers 53% d’ici 2028, à condition que la croissance reste soutenue au-dessus de 6-7% et que le déficit demeure maîtrisé. Tout ralentissement économique ou remontée des taux d’intérêt mondiaux pourrait faire exploser le coût de refinancement et compromettre cette trajectoire.
Des recettes supplémentaires incertaines
L’augmentation du prix du cacao devrait théoriquement générer des recettes fiscales accrues. L’effet multiplicateur espéré passe par plusieurs canaux : hausse de la TVA sur les produits transformés, augmentation des droits de douane sur les intrants, élargissement de l’assiette fiscale grâce à la consommation accrue des planteurs.
Toutefois, ces gains ne sont pas automatiques. Leur concrétisation dépend de l’efficacité de l’administration fiscale, de sa capacité à lutter contre l’évasion et à capter la valeur ajoutée créée dans la transformation. Le secteur informel, qui reste prédominant en zone rurale, limite structurellement les recettes potentielles.
Les arbitrages stratégiques nécessaires
Face à ces contraintes, l’État doit opérer des choix stratégiques. Les ressources supplémentaires peuvent être canalisées vers trois directions : investissements structurants en infrastructures, renforcement des programmes sociaux, ou constitution d’un fonds de stabilisation anticrise.
L’approche la plus prudente consisterait à privilégier les projets à rendement élevé – routes, énergie, irrigation, santé, éducation – capables de stimuler la croissance future et d’élargir durablement la base fiscale. Les investissements bien ciblés créent un cercle vertueux permettant d’améliorer la soutenabilité de la dette à long terme.
À l’inverse, le risque majeur réside dans l’allocation inefficace des ressources. Dépenses courantes récurrentes mal ciblées, fuites fiscales, projets à faible rendement ou détournements pourraient neutraliser les bénéfices attendus. La pression politique pour la redistribution immédiate entre en tension avec la nécessité d’une gestion budgétaire rigoureuse.
Préserver la crédibilité
Le maintien de la confiance des investisseurs et des institutions internationales exige une transparence totale et le respect scrupuleux des engagements. Toute déviation par rapport aux conditionnalités du FMI pourrait déclencher des sanctions, le retrait de soutiens financiers ou une dégradation de la notation souveraine.
Les marges budgétaires existent, mais elles sont étroites et conditionnelles. L’équation est claire : transformer cette fenêtre d’opportunité en dynamique de croissance durable nécessite une discipline de fer et des choix stratégiques judicieux.
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