Côte d’Ivoire : L’urgence de former des entrepreneurs plutôt que des candidats aux concours

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Le système éducatif ivoirien se trouve à un carrefour décisif. Face à une économie mondialisée en constante évolution, la Côte d’Ivoire doit impérativement repenser son approche de l’enseignement secondaire, passant d’un modèle centré sur la préparation aux concours administratifs à un système qui cultive l’esprit entrepreneurial et prépare les jeunes aux défis économiques contemporains.

Un héritage éducatif inadapté aux réalités actuelles

Le système secondaire ivoirien, structuré en deux cycles (quatre ans sanctionnés par le BEPC, puis trois ans culminant avec le baccalauréat), demeure largement influencé par l’héritage colonial français. Conçu à l’origine pour alimenter l’administration, il privilégie encore la mémorisation au détriment de la pensée critique et créative.

Les statistiques révèlent l’ampleur des défis : près de 58% des jeunes filles et 40% des garçons en âge d’être au secondaire restent non scolarisés. Seuls 55,5% des filles et 60,2% des garçons achèvent le premier cycle. Les établissements publics souffrent d’un surpeuplement chronique avec un ratio enseignant-élève de 1:46 au collège, rendant difficile toute innovation pédagogique.

La qualité de l’enseignement reste préoccupante, avec seulement 40,4% des élèves de CM2 atteignant un niveau suffisant en français et 15% en mathématiques. Ces lacunes dans les compétences fondamentales compliquent l’introduction de contenus plus complexes comme l’éducation entrepreneuriale.

L’entrepreneuriat : un levier de transformation essentiel

Dans un contexte de forte croissance démographique et de chômage structurel, le développement de l’esprit entrepreneurial apparaît comme une solution incontournable. L’éducation à l’entrepreneuriat ne vise pas uniquement à créer des chefs d’entreprise, mais développe des compétences transversales essentielles – créativité, résolution de problèmes, initiative, collaboration – recherchées dans tous les secteurs économiques.

Ces compétences permettent aux jeunes de créer leurs propres opportunités plutôt que de dépendre exclusivement d’un secteur public saturé. L’entrepreneuriat représente un moteur essentiel pour la croissance économique, la création d’emplois et l’autonomisation des jeunes.

Des initiatives prometteuses à généraliser

Plusieurs expériences montrent déjà la voie. Le Forum National de l’Entrepreneuriat en Milieu Scolaire mobilise les élèves à travers concours et ateliers. La Fondation Bictogo Initiatives sensibilise spécifiquement les jeunes filles à travers son programme Boost’her. Le programme TRECC (Transforming Education in Cocoa Communities) apporte soutien et mentorat aux jeunes entrepreneurs dans les régions cacaoyères.

Le Ministère de l’Enseignement Technique a également créé un Pôle d’innovation entrepreneuriale au Lycée Technique de Cocody en partenariat avec le PNUD. Ces initiatives démontrent qu’il est possible d’intégrer efficacement l’éducation entrepreneuriale dans le système scolaire ivoirien.

Repenser l’orientation professionnelle

L’orientation professionnelle doit être transformée pour fournir, dès le début du secondaire, des informations complètes sur toutes les filières, incluant l’entrepreneuriat et les métiers techniques. Un système efficace doit aider les élèves à évaluer leurs compétences et aspirations, tout en les connectant à des professionnels et entrepreneurs servant de modèles inspirants.

Les programmes de mentorat jouent un rôle crucial, offrant conseils pratiques et exemples concrets de réussite en dehors des sentiers battus de la fonction publique. Cette approche permet de diversifier les aspirations professionnelles des jeunes et d’élargir leurs horizons.

La formation des enseignants : clé de voûte de la réforme

Le succès de cette transformation repose largement sur la capacité des enseignants à transmettre ces nouvelles compétences. Un investissement dans leur formation initiale et continue est indispensable pour les doter des compétences pédagogiques et entrepreneuriales nécessaires.

Les méthodes d’enseignement doivent évoluer pour privilégier l’apprentissage actif, par projet, établissant des liens concrets avec le monde réel. Les enseignants doivent être encouragés à adopter des approches stimulant la créativité et l’esprit d’initiative chez leurs élèves.

Des approches pédagogiques diversifiées

L’intégration de l’éducation entrepreneuriale peut prendre plusieurs formes complémentaires : incorporation des concepts dans les matières existantes, cours dédiés, activités parascolaires (clubs, concours, mini-entreprises), et apprentissage expérientiel (stages, simulations, projets réels).

Le curriculum doit intégrer les fondamentaux de la gestion d’entreprise, la littératie financière, les principes du marketing, l’innovation et la résolution de problèmes. La littératie numérique est également cruciale, familiarisant les élèves avec les outils technologiques indispensables dans le monde professionnel moderne.

Des partenariats indispensables

La mise en œuvre d’une telle réforme nécessite une collaboration étroite entre tous les acteurs concernés. Les ministères (Éducation Nationale, Économie, Enseignement Technique) doivent travailler de concert pour définir une politique cohérente et allouer les ressources nécessaires.

Le secteur privé a un rôle essentiel à jouer en offrant stages, mentors et soutien financier aux initiatives entrepreneuriales des jeunes. Les organisations de la société civile peuvent apporter leur expertise en sensibilisation et mobilisation communautaire.

Une mise en œuvre progressive et méthodique

Une approche progressive s’impose pour garantir le succès de cette transformation. Des programmes pilotes permettent de tester différentes approches avant une généralisation nationale. Un cadre réglementaire favorable et des ressources adéquates sont nécessaires pour la formation des enseignants, le développement curriculaire et l’amélioration des infrastructures.

L’évaluation régulière de l’impact est essentielle pour ajuster les stratégies. Des indicateurs clairs doivent mesurer le développement des compétences entrepreneuriales et l’évolution des aspirations professionnelles des élèves.

Changer les mentalités pour transformer l’avenir

Cette réforme exige un changement profond des mentalités. Les parents, habitués à valoriser la fonction publique comme voie royale de réussite sociale, doivent être sensibilisés aux opportunités qu’offre l’entrepreneuriat. Les élèves doivent apprendre à voir l’entrepreneuriat comme une voie d’épanouissement et de contribution au développement national.

Des campagnes de sensibilisation mettant en valeur les success stories d’entrepreneurs locaux peuvent inspirer les jeunes et modifier progressivement les perceptions sociétales sur la réussite professionnelle.

Des bénéfices multiples pour la nation

Les retombées de cette réforme sont considérables. Pour les élèves, elle offre des compétences adaptées aux réalités économiques actuelles, augmentant leurs chances de réussite professionnelle. Pour le système éducatif, elle renforce sa pertinence et son attractivité.

Pour la nation ivoirienne, cette transformation représente un levier puissant pour stimuler le développement économique, réduire le chômage des jeunes et promouvoir la mobilité sociale. En formant une génération d’entrepreneurs et d’innovateurs, la Côte d’Ivoire peut diversifier son économie, réduire sa dépendance aux matières premières et renforcer sa compétitivité internationale.

Une transformation incontournable

La réforme du système éducatif ivoirien pour privilégier la formation d’entrepreneurs plutôt que de candidats aux concours administratifs n’est plus une option mais une nécessité urgente. Elle représente une opportunité historique de préparer les jeunes Ivoiriens aux défis du XXIe siècle.

Cette transformation exige une volonté politique forte, des investissements conséquents et une mobilisation de tous les acteurs de la société. Le temps est venu pour la Côte d’Ivoire de faire ce choix audacieux et de placer l’entrepreneuriat au cœur de son système éducatif. C’est à ce prix que le pays pourra pleinement tirer parti de son dividende démographique et assurer une croissance économique inclusive et durable.


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