Coopération Sud-Sud : la Corée du Sud et le PAM injectent 9,3 millions $ pour nourrir 50 000 écoliers ivoiriens

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Un nouveau partenariat stratégique entre la Korea International Cooperation Agency (KOICA), le Programme Alimentaire Mondial et le gouvernement ivoirien vise à combiner éducation, nutrition et développement agricole dans le Nord du pays. De 2025 à 2029, cette initiative ambitieuse illustre la montée en puissance de la coopération Sud-Sud comme levier de transformation économique.

Alors que l’aide traditionnelle Nord-Sud marque le pas face aux contraintes budgétaires et aux nouvelles priorités géopolitiques, les partenariats entre pays en développement s’imposent comme une alternative crédible. Le programme annoncé par le PAM incarne cette nouvelle dynamique : 9,3 millions de dollars fournis par le gouvernement sud-coréen pour un modèle d’intervention pensé sur le long terme et ancré dans les réalités locales.

Un programme multi-dimensionnel ciblant le Nord du pays

L’initiative cible 50 000 écoliers répartis dans 200 écoles primaires des régions de Bagoué, Bounkani, Poro et Tchologo – des zones du Nord où la malnutrition et l’insécurité alimentaire demeurent plus marquées. Au-delà de la simple distribution de repas, le programme adopte une approche holistique articulée autour de plusieurs piliers.

Le volet alimentaire repose sur un modèle d'”alimentation scolaire locale” ou “home-grown school feeding”. Concrètement, les repas nutritifs servis aux enfants seront produits localement, créant ainsi une chaîne de valeur qui bénéficie directement aux communautés rurales. Cette approche contraste avec les programmes d’aide traditionnels qui s’appuient sur des importations alimentaires.

Pour rendre ce modèle opérationnel, 100 groupes d’agriculteurs locaux bénéficieront d’un accompagnement technique visant à améliorer la qualité et la quantité de leur production. Ces petits producteurs établiront des liens directs avec les cantines scolaires, leur garantissant des débouchés stables et prévisibles – un facteur crucial pour la planification agricole.

Le programme intègre également des volets complémentaires sur l’eau, l’hygiène et l’assainissement, avec l’installation de points de lavage des mains dans les écoles, ainsi que des modules d’éducation à la nutrition et à l’hygiène destinés aux élèves et aux communautés environnantes.

Une stratégie alignée sur les priorités nationales

Loin d’être une intervention isolée, ce partenariat s’inscrit dans le cadre des politiques publiques ivoiriennes. Le pays dispose déjà d’un Programme Intégré de Pérennisation de Cantines Scolaires (PIPCS) et d’une stratégie nationale d’alimentation scolaire validée pour 2024-2025, avec l’objectif ambitieux d’assurer un repas chaud équilibré à tous les élèves du primaire d’ici 2030.

La mise en œuvre mobilise plusieurs ministères – Éducation nationale et Alphabétisation (direction des cantines scolaires), Agriculture, Développement rural, Hygiène publique et Santé – témoignant d’une volonté de coordination interministérielle. Cette approche interagences est essentielle pour maximiser les synergies entre secteurs souvent cloisonnés.

L’expérience coréenne comme source d’inspiration

L’engagement de la Corée du Sud dans ce domaine ne relève pas du hasard. Le directeur pays de KOICA en Côte d’Ivoire, Kim Sangjun, a souligné que le programme “reflète une leçon profondément ancrée dans l’histoire de la Corée : la conviction qu’un seul repas nutritif peut libérer le potentiel d’un enfant.”

Cette référence à l’expérience nationale coréenne est significative. La Corée du Sud, elle-même bénéficiaire de l’aide internationale dans les années 1960, a transformé son économie en quelques décennies pour devenir un pays développé. Cette trajectoire inspire aujourd’hui sa politique de coopération, axée sur le partage d’expériences concrètes plutôt que sur un simple transfert financier.

Des impacts économiques mesurables attendus

Au-delà des bénéfices nutritionnels et éducatifs directs pour les 50 000 enfants ciblés, les retombées économiques du programme s’annoncent substantielles. L’achat local de denrées alimentaires stimulera les producteurs ruraux, créera de la demande et facilitera la structuration d’entreprises agricoles ou agro-alimentaires dans des régions souvent marginalisées économiquement.

Cette dynamique peut contribuer à réduire la dépendance aux importations alimentaires pour les écoles, limitant ainsi les sorties de devises et renforçant l’autonomie alimentaire du pays. Par ailleurs, le lien entre agriculture, alimentation scolaire et éducation constitue un catalyseur pour développer le capital humain – condition sine qua non d’une économie basée sur la connaissance.

Les défis de la durabilité

Malgré ces promesses, des interrogations subsistent. La durabilité financière demeure un défi majeur : sans mécanisme de financement pérenne au-delà de 2029, les cantines risquent de perdre en qualité. Le succès du programme repose également sur la solidité des systèmes locaux – gestion des cantines, capacités des agriculteurs, efficacité des chaînes d’approvisionnement – qui nécessiteront un renforcement institutionnel continu.

Ce partenariat illustre néanmoins que la coopération Sud-Sud, lorsqu’elle est bien conçue, peut dépasser le simple transfert d’aide pour devenir un véritable levier de transformation structurelle. Un modèle dont les résultats seront scrutés de près par d’autres pays africains en quête de solutions durables pour conjuguer éducation, nutrition et développement rural.


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