Dans le paysage économique ivoirien, le nom de Cargill résonne avec force dans le secteur agricole depuis près de trois décennies. Implantée en Côte d’Ivoire depuis 1997, cette multinationale américaine s’est progressivement imposée comme l’un des piliers de la filière cacao, moteur essentiel de l’économie du pays.
Une présence économique majeure
Avec plus de 570 employés répartis sur quatre sites – Abidjan, Daloa, Gagnoa et San Pedro – Cargill a connu une croissance remarquable sur le sol ivoirien. L’année 2000 a marqué un tournant décisif avec le lancement de la production de son usine de transformation de cacao à Yopougon, établissant solidement sa présence industrielle dans le pays.
Les chiffres témoignent de l’ampleur de ses activités : en 2018, son chiffre d’affaires s’élevait à 506,4 milliards de francs CFA (environ 0,85 milliard de dollars). Plus impressionnant encore, l’entreprise s’est hissée au rang de deuxième plus grand transformateur de cacao en Côte d’Ivoire, juste derrière Barry Callebaut.
L’expansion de son usine de Yopougon en 2021, fruit d’un investissement colossal de 100 millions de dollars, illustre parfaitement cette montée en puissance. Cette modernisation a permis à l’installation de devenir la plus grande usine de broyage de cacao d’Afrique, avec une capacité portée à 160 000 tonnes métriques.
Une stratégie d’intégration verticale
La stratégie de Cargill en Côte d’Ivoire s’articule autour d’une intégration verticale poussée. L’usine de Yopougon produit désormais une gamme étendue d’ingrédients de haute qualité, incluant la liqueur de cacao, le beurre de cacao, le tourteau de cacao et la poudre de cacao, qui sont exportés dans le monde entier pour approvisionner les secteurs de l’alimentation et de la confiserie.
Cette approche s’inscrit dans l’objectif de Cargill de transférer une plus grande partie de ses activités mondiales de broyage vers les pays d’origine, contribuant ainsi au développement d’une industrie agroalimentaire locale tout en optimisant sa chaîne d’approvisionnement mondiale.
La durabilité au cœur de la stratégie
La “Promesse Cacao de Cargill”, lancée en 2012, constitue l’engagement de l’entreprise à favoriser l’amélioration des revenus et des conditions de vie des agriculteurs et de leurs communautés. Ce programme ambitieux repose sur plusieurs piliers fondamentaux.
Sur le plan environnemental, Cargill s’est engagée à rendre ses chaînes d’approvisionnement agricoles exemptes de déforestation d’ici 2030. L’entreprise participe activement à l’Initiative Cacao et Forêts (ICF) avec les gouvernements de la Côte d’Ivoire et du Ghana et utilise la cartographie polygonale GPS pour surveiller les limites des exploitations et détecter la déforestation.
Sur le plan social, des partenariats avec le Comité National de Surveillance des Actions de Lutte contre la Traite, l’Exploitation et le Travail des Enfants (CNS) ont permis l’ouverture de nouvelles écoles, améliorant l’accès à l’éducation pour les enfants des communautés cacaoyères. Parallèlement, la Coop Academy vise à autonomiser les coopératives de production de cacao et à améliorer leurs compétences commerciales.
La traçabilité constitue également un axe prioritaire. En 2020, plus de 80 000 exploitations sur les 120 000 de sa chaîne d’approvisionnement directe en Côte d’Ivoire avaient été cartographiées, avec un objectif d’atteindre 100% de traçabilité.
Des partenariats stratégiques pour amplifier l’impact
Pour maximiser son influence positive, Cargill a tissé un réseau dense de collaborations en Côte d’Ivoire. L’entreprise collabore avec des organisations telles que CARE International sur divers projets de développement communautaire, notamment dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’autonomisation des femmes.
Un partenariat avec PUR Projet favorise les pratiques agroforestières, tandis que la collaboration avec la Société Financière Internationale (SFI) porte sur des initiatives telles que la Coop Academy et les plateformes de paiement numérique.
Des défis persistants
Malgré ces avancées, des obstacles demeurent. Des rapports font état de cas de travail des enfants dans la chaîne d’approvisionnement du cacao impliquant Cargill, un défi majeur dans le secteur. Des allégations de déforestation liée à la production de cacao ont également été formulées.
Face à ces critiques, les stratégies et engagements futurs de Cargill indiquent une concentration continue sur la durabilité, la transparence et le développement communautaire en Côte d’Ivoire. L’entreprise prévoit de poursuivre ses investissements dans les programmes de développement durable et la traçabilité de la chaîne d’approvisionnement.
Une présence stratégique à l’échelle mondiale
L’importance accordée par Cargill à ses opérations ivoiriennes s’explique aisément : la Côte d’Ivoire représente une région d’approvisionnement essentielle pour l’activité mondiale de cacao et de chocolat de l’entreprise. Premier producteur mondial de cacao, le pays est stratégiquement vital pour sécuriser l’approvisionnement global en fèves.
La présence de Cargill en Côte d’Ivoire illustre parfaitement la complexité des enjeux liés à l’industrialisation de l’agriculture africaine. Entre contribution économique significative, engagement social et défis environnementaux, l’entreprise navigue dans un écosystème où les attentes des différentes parties prenantes s’entrecroisent et parfois s’opposent, tout en maintenant son cap stratégique global.
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