Face à une croissance annuelle de la demande électrique estimée à 8 %, la Côte d’Ivoire amorce un virage stratégique vers les énergies renouvelables. Entre centrales solaires, barrages hydroélectriques et biomasse agricole, le pays se positionne en leader régional de la transition énergétique. Objectif : 45 % d’énergies propres dans le mix énergétique d’ici 2030.
Un maillage territorial ambitieux
La stratégie énergétique ivoirienne se déploie aujourd’hui sur l’ensemble du territoire national, révélant une approche réfléchie de la diversification énergétique. Cette dynamique s’articule autour de plusieurs projets phares qui redessinent progressivement le paysage énergétique du pays.
Dans la région de Katiola, la centrale solaire photovoltaïque affiche une capacité de production annuelle de 85 934 MWh, positionnant cette infrastructure comme l’un des fleurons du solaire ivoirien. Plus au nord, à Ferkessédougou, le projet Ferke Solar développe une puissance de 52,42 MW, tandis que Bondoukou accueille une installation de 50 MW. Cette concentration d’investissements dans les régions septentrionales témoigne d’une exploitation rationnelle du potentiel d’ensoleillement de ces zones.
L’hydroélectricité n’est pas en reste. Le projet Gribo-Popoli, implanté sur le Sassandra à Naoua, développera une capacité de 112 MW, contribuant significativement à la sécurisation de l’approvisionnement électrique national. Cette diversification géographique des sources d’énergie renouvelable illustre une planification territoriale cohérente, réduisant les risques de dépendance énergétique régionale.
L’innovation par la valorisation des déchets agricoles
L’initiative la plus emblématique de cette transition demeure sans doute la centrale biomasse de Divo. Avec une production annuelle prévue de 550 GWh, cette installation transforme les déchets de cacao en électricité, créant un modèle exemplaire d’économie circulaire. Cette approche présente un double avantage : elle résout partiellement la problématique de gestion des déchets agricoles tout en contribuant à l’indépendance énergétique du pays.
Cette valorisation des sous-produits cacaoyers s’inscrit parfaitement dans la logique économique ivoirienne. Premier producteur mondial de cacao, la Côte d’Ivoire dispose d’un gisement considérable de biomasse inexploitée. La transformation de ces déchets en ressource énergétique ouvre la voie à une filière industrielle prometteuse, potentiellement reproductible dans d’autres régions productrices.
Un modèle financier basé sur les partenariats privés
L’ambition gouvernementale de porter la part des énergies renouvelables à 45 % du mix énergétique d’ici 2030 nécessite une mobilisation financière considérable. L’objectif fixé de 2 milliards USD d’investissements privés révèle une stratégie délibérée d’ouverture aux capitaux internationaux et nationaux privés.
Les partenariats public-privé (PPP) constituent l’épine dorsale de cette stratégie de financement. Ce modèle permet de partager les risques entre secteur public et privé, tout en garantissant une rentabilité attractive pour les investisseurs. L’expérience acquise sur les projets de Katiola et Divo démontre la viabilité de cette approche, créant un effet d’entraînement pour de nouveaux projets.
Cette orientation vers le financement privé traduit également une évolution de la politique énergétique ivoirienne, passant d’une logique d’investissement public majoritaire à un modèle hybride plus flexible et potentiellement plus réactif aux évolutions technologiques.
Les défis structurels de la transition
Malgré ces avancées prometteuses, plusieurs obstacles ralentissent encore l’accélération de la transition énergétique. Le financement demeure le principal défi, malgré l’ouverture aux capitaux privés. Les projets d’énergies renouvelables requièrent des investissements initiaux importants, souvent difficiles à sécuriser sans garanties publiques ou intervention d’institutions financières de développement.
L’infrastructure du réseau électrique national constitue un autre enjeu majeur. L’intégration d’énergies intermittentes comme le solaire nécessite une modernisation substantielle du réseau de transport et de distribution. Les pertes techniques, encore significatives, réduisent l’efficacité globale du système énergétique.
La question des compétences locales représente également un défi à moyen terme. Le développement d’une filière énergétique verte requiert la formation de techniciens spécialisés, d’ingénieurs et d’exploitants capables d’assurer la maintenance et l’optimisation des installations. Cette montée en compétences conditionne la pérennité des investissements réalisés.
L’acceptabilité sociale des projets ne doit pas être négligée. L’implication des communautés locales dans la conception et la gestion des installations énergétiques facilite leur intégration territoriale et limite les résistances potentielles.
Une dimension géopolitique régionale
La transition énergétique ivoirienne dépasse les frontières nationales. En tant que hub énergétique ouest-africain, la Côte d’Ivoire exporte régulièrement de l’électricité vers ses voisins, notamment le Burkina Faso, le Ghana et le Mali. Cette position d’exportateur net renforce son influence régionale et génère des devises précieuses.
L’adoption d’un mix énergétique plus vert pourrait consolider cette position stratégique. Les pays importateurs manifestent une sensibilité croissante aux enjeux environnementaux, créant une demande potentielle pour une électricité “propre”. Cette évolution pourrait conférer un avantage compétitif durable à la Côte d’Ivoire sur le marché énergétique régional.
Vers une souveraineté énergétique durable
La transition énergétique ivoirienne s’affirme aujourd’hui comme une réalité tangible, portée par une volonté politique claire et des investissements concrets. Les projets en cours de développement démontrent la capacité du pays à mobiliser les ressources nécessaires et à attirer les partenaires techniques et financiers.
Cette dynamique s’inscrit dans une logique de souveraineté énergétique, réduisant progressivement la dépendance aux énergies fossiles importées. La diversification des sources d’approvisionnement, couplée à la valorisation des ressources locales, renforce la résilience du système énergétique national.
Le succès de cette transition dépendra néanmoins de la capacité à maintenir l’équilibre entre ambitions environnementales, contraintes économiques et acceptabilité sociale. La coordination entre acteurs publics, privés et citoyens demeure la clé d’une transformation énergétique réussie et durable.
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