Le fonds norvégien de financement du développement Norfund vient d’officialiser son entrée au capital de la Société Ivoirienne de Productions Animales (SIPRA), marquant un tournant pour l’industrie avicole nationale. Cet investissement de 20 millions d’euros ouvre de nouvelles perspectives pour la souveraineté alimentaire du pays.
Un acteur stratégique de la filière volaille
SIPRA, filiale du groupe AVOS dirigé par Jean-Marie Ackah, s’impose comme un pilier de la filière avicole en Côte d’Ivoire. L’entreprise intervient sur l’ensemble de la chaîne de valeur : fabrication d’aliments pour bétail via Ivograin, élevage de poussins et poulets de chair, transformation et distribution avec des marques reconnues comme Ivoire Poussin et Coqivoire.
Avec plus de 150 points de vente répartis entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, et un effectif de plus de 1 200 employés, SIPRA a bâti sa croissance sur une stratégie d’intégration verticale. Depuis son acquisition par AVOS en 2000, l’entreprise a notamment développé des projets agricoles de maïs dans le Nord ivoirien pour réduire sa dépendance aux importations d’intrants.
Une opération à double objectif
L’entrée de Norfund, principale institution norvégienne de financement du développement privé, répond à une double ambition : générer des rendements tout en créant un impact socio-économique durable. Le fonds vise à renforcer la sécurité alimentaire en Côte d’Ivoire, créer des emplois durables et soutenir des milliers de petits producteurs de la chaîne avicole.
“Cette entrée au capital reflète une volonté de s’associer à un partenaire institutionnel international pour renforcer notre organisation, soutenir le développement en cours et améliorer gouvernance et efficacité”, a déclaré Jean-Marie Ackah. De son côté, Naana Winful Fynn, Directrice régionale pour l’Afrique de l’Ouest de Norfund, souligne que le projet s’inscrit pleinement dans le mandat du fonds en matière de sécurité alimentaire et de structuration institutionnelle.
Une filière avicole en mutation
Le marché avicole ivoirien présente des signaux contrastés. Si la consommation de viande de volaille est restée stable à environ 2,65 kg par personne en 2022, la production connaît des turbulences. La production de poulet de chair a reculé de 10% entre 2021 et 2022, s’établissant à un peu plus de 42 000 tonnes, principalement en raison de la hausse des coûts des intrants importés.
Toutefois, la tendance de long terme reste favorable. Selon l’interprofession avicole (Ipravi), la production de viande de volaille est passée de 23 000 tonnes en 2010 à 114 000 tonnes en 2024, témoignant d’une croissance soutenue. La filière emploie aujourd’hui plus de 170 000 personnes, dont 50 000 emplois directs.
Le principal défi demeure la forte dépendance aux importations d’intrants : maïs, soja et blé nécessaires à l’alimentation animale proviennent essentiellement de l’étranger, fragilisant la rentabilité des acteurs locaux face à la volatilité des cours mondiaux.
Des ambitions régionales affirmées
L’investissement de Norfund doit permettre à SIPRA de “significativement monter en puissance” dans ses trois segments opérationnels. Le fonds prévoit d’être un actionnaire actif, accompagnant notamment la transition générationnelle et l’amélioration de la gouvernance.
Les perspectives sont ambitieuses : avec l’appoint de capitaux et d’expertise, SIPRA pourrait devenir un exportateur vers les marchés de la CEDEAO. Norfund estime même que la Côte d’Ivoire pourrait dépasser ses pairs ouest-africains en croissance avicole et devenir exportateur net d’ici 2031.
Des défis à relever
Cette montée en puissance soulève néanmoins des questions. Les petits élevages ou opérateurs moins intégrés pourraient être fragilisés si l’avantage concurrentiel de SIPRA s’accentue. Le risque d’une centralisation excessive des décisions et d’une marginalisation des filières locales non intégrées n’est pas à écarter.
La réussite de ce partenariat dépendra également de la capacité à développer l’amont agricole local pour réduire la dépendance aux intrants importés, un investissement de très long terme. Le respect des normes sanitaires et de qualité sera crucial pour conquérir les marchés régionaux.
La clé du succès résidera dans la capacité à lier objectifs de rentabilité et critères d’impact inclusif : intégration effective des petits producteurs, mécanismes de financement adaptés, formation continue et supervision publique pour garantir une répartition équilibrée des gains.
Dans les prochains mois, l’attention se portera sur les modalités concrètes de mise en œuvre et l’impact réel sur la production locale et l’accès à la volaille de qualité pour les populations ivoiriennes.
En savoir plus sur businessechos.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.