Dans le paysage urbain en constante évolution d’Abidjan, une transformation remarquable attire l’attention : l’ancienne décharge d’Akouédo, longtemps symbole des défis environnementaux de la capitale économique ivoirienne, renaît aujourd’hui sous la forme d’un parc urbain innovant. Cette métamorphose illustre parfaitement les enjeux contemporains de l’urbanisme durable en Afrique de l’Ouest.
Un passé lourd de conséquences
L’histoire de la décharge d’Akouédo débute en 1965, lorsqu’elle devient le principal site de dépôt des ordures d’Abidjan. Pendant plus de cinq décennies, ce lieu a cristallisé les problématiques environnementales et sanitaires de la métropole ivoirienne. Les quartiers riverains ont longtemps subi les nuisances d’un site saturé, devenu au fil des années un véritable fléau pour la santé publique.
Le tournant dramatique intervient en 2006 avec l’affaire du Probo-Koala, navire ayant déversé des déchets toxiques sur le site. Cette catastrophe environnementale, causant des décès et l’intoxication de milliers de personnes, marque définitivement les consciences et accélère la nécessité d’une intervention d’envergure. Face à la saturation du site et à l’expansion urbaine qui l’encercle progressivement, les autorités prennent finalement la décision de fermer définitivement la décharge fin 2018.
Un projet d’envergure nationale
Conscient de l’urgence sanitaire et environnementale, l’État ivoirien mobilise des ressources considérables pour la réhabilitation du site. Le budget alloué, estimé à 121 milliards de francs CFA (environ 185 millions d’euros), témoigne de l’ampleur du défi technique et de l’engagement politique en faveur de cette transformation.
La stratégie adoptée privilégie une approche pragmatique : plutôt que d’envisager une urbanisation classique du terrain, les planificateurs optent pour une reconversion en espace vert, solution plus adaptée aux contraintes techniques et environnementales du site. Cette décision révèle une maturité dans l’approche de l’aménagement urbain, privilégiant la durabilité à la rentabilité immobilière.
Une prouesse technique complexe
La transformation d’Akouédo représente un défi technique majeur, confié à PFO Construction en partenariat avec Veolia/Seureca. Les travaux de sécurisation constituent la première phase cruciale : remodelage des déchets accumulés, confinement par géomembrane étanche, installation de systèmes de drainage des eaux pluviales. Ces interventions visent à neutraliser les risques environnementaux tout en préparant le terrain pour sa nouvelle vocation.
L’aspect le plus innovant du projet réside dans la gestion des biogaz et des lixiviats générés par la décomposition des déchets enfouis. Un réseau sophistiqué de puits d’extraction et de tuyauteries achemine ces sous-produits vers une centrale de cogénération, transformant les gaz nocifs en électricité, tandis qu’une unité spécialisée traite les eaux polluées. Cette approche illustre parfaitement les principes de l’économie circulaire appliqués à la gestion des déchets urbains.
Un nouvel écrin de verdure
Le parc d’Akouédo s’étend aujourd’hui sur une superficie comprise entre 90 et 112 hectares, constituant un véritable poumon vert pour la métropole abidjanaise. L’aménagement paysager privilégie une végétation diversifiée : forêt de jeunes tecks, cacaoyers, badamiers s’épanouissent de part et d’autre d’une passerelle surélevée longue de plusieurs centaines de mètres.
Les équipements du parc répondent aux besoins multiples des citadins : une maison de l’environnement dédiée à la sensibilisation écologique, des aires sportives et récréatives favorisant les activités physiques, des espaces culturels encourageant les manifestations artistiques, et une zone botanique valorisant la biodiversité locale. Cette approche multifonctionnelle transforme l’ancien site de nuisances en véritable lieu de vie et de détente.
Impact social et symbolique
La transformation d’Akouédo génère des bénéfices tangibles pour les populations riveraines, longtemps victimes des nuisances environnementales. L’amélioration de la qualité de l’air, la réduction des risques sanitaires et la création d’un espace de loisirs accessible contribuent significativement à l’amélioration des conditions de vie dans ces quartiers populaires.
Au-delà des aspects pratiques, ce projet revêt une dimension symbolique forte. Il démontre qu’une ville africaine peut transformer ses cicatrices urbaines en atouts environnementaux, réconciliant développement urbain et préservation écologique. Cette réussite inspire une nouvelle approche de l’urbanisme, où la résilience et l’innovation remplacent la résignation face aux défis environnementaux.
Un modèle pour l’Afrique urbaine
Le parc d’Akouédo dépasse le cadre local pour devenir une référence continentale. Dans un contexte où les villes africaines font face à des défis similaires de gestion des déchets et de pollution urbaine, cette expérience offre un modèle reproductible d’urbanisme durable. Les techniques développées, les partenariats public-privé mobilisés et l’approche intégrée de la reconversion urbaine constituent autant d’enseignements précieux pour d’autres métropoles du continent.
L’expertise acquise lors de ce projet positionne la Côte d’Ivoire comme un acteur innovant dans le domaine de la réhabilitation environnementale urbaine, ouvrant des perspectives de coopération et d’échange d’expériences à l’échelle régionale.
Vers un urbanisme de réconciliation
La métamorphose d’Akouédo illustre l’émergence d’un nouveau paradigme urbain en Afrique. Elle démontre que les villes du continent peuvent concilier croissance démographique, développement économique et préservation environnementale. Ce projet pionnier ouvre la voie à une réflexion plus large sur la capacité des métropoles africaines à transformer leurs défis en opportunités d’innovation.
L’ancienne décharge d’Akouédo, désormais parc urbain, incarne cette vision d’un urbanisme de réconciliation : réconciliation avec l’environnement, avec les populations riveraines, et avec l’avenir des villes africaines. Cette transformation réussie prouve qu’avec de la volonté politique, des moyens techniques appropriés et une vision à long terme, les cicatrices urbaines peuvent devenir des jardins d’espoir.
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