AGOA en sursis : L’Afrique face à l’incertitude commerciale américaine

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L’expiration programmée de l’African Growth and Opportunity Act pousse les économies africaines vers de nouvelles stratégies de diversification. Entre diplomatie d’urgence et repositionnement géostratégique, le continent redéfinit ses alliances commerciales.

À quelques mois de l’échéance cruciale de 2026, l’avenir de l’AGOA (African Growth and Opportunity Act) demeure incertain, plongeant les économies subsahariennes dans une période de turbulences commerciales. Ce dispositif américain, en vigueur depuis 2000, offre aux pays africains éligibles un accès préférentiel au marché américain, souvent sans droits de douane.

Un enjeu économique majeur

Les répercussions d’une non-reconduction de l’AGOA s’annoncent considérables. Selon une étude préliminaire, les exportations africaines vers les États-Unis pourraient chuter d’environ 25% sans renouvellement du dispositif, représentant une baisse d’approximativement 1% des exportations totales du continent vers le monde.

Cette perspective inquiète d’autant plus que l’administration américaine n’a pas encore officialisé sa position pour 2026. Seules quelques déclarations éparses, comme celle du Lesotho évoquant une possible extension d’un an, alimentent les spéculations. Cette prorogation potentiellement courte est perçue par les milieux économiques africains comme une solution de temporisation plutôt qu’une garantie durable.

Le Kenya en première ligne

Le président kenyan William Ruto illustre parfaitement la stratégie d’anticipation adoptée par plusieurs dirigeants africains. Nairobi presse Washington de finaliser un nouvel accord commercial bilatéral avant fin 2025, tout en plaidant pour une extension quinquennale de l’AGOA.

Cette démarche s’accompagne d’une diversification préventive : le Kenya renforce parallèlement ses liens avec la Chine et l’Union européenne. Toutefois, cette manœuvre diplomatique s’avère périlleuse, les tarifs américains récemment imposés sur les produits agricoles kenyans compliquant la position de Nairobi dans les négociations.

Risques systémiques pour le continent

L’expiration de l’AGOA menace plusieurs secteurs stratégiques. Les industries agro-alimentaires, textiles et autres secteurs exportateurs pourraient subir des pertes d’emplois massives. L’effet de pont que représente le dispositif pour attirer les investissements étrangers risque de s’éroder, détournant les capitaux vers des zones géographiquement plus stables.

La diminution des recettes d’exportation fragiliserait les budgets publics, particulièrement pour les États dépendants des importations de biens essentiels. L’effet domino régional pourrait compromettre les chaînes d’approvisionnement continentales, amplifiant les difficultés économiques.

Stratégies africaines de résilience

Face à ces incertitudes, plusieurs orientations stratégiques émergent. Le renforcement des partenariats Sud-Sud occupe une place centrale, avec l’Inde rappelant récemment la nécessité pour les pays du Sud de réduire leur dépendance à un partenaire unique en stimulant le commerce entre pays en développement.

La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) gagne en importance stratégique dans cette logique de repositionnement. Les entreprises africaines adaptent déjà leurs chaînes logistiques pour conquérir des marchés alternatifs : Inde, Union européenne, ASEAN, nécessitant des investissements substantiels en infrastructures et en mise aux normes.

Vers une montée en gamme

La valorisation locale et la montée en gamme constituent des axes prioritaires. L’accent se porte sur les produits à forte valeur ajoutée, l’innovation agroalimentaire, les technologies vertes et l’industrialisation locale pour échapper à la concurrence par les prix.

Plusieurs États suivent l’exemple kenyan en négociant des accords bilatéraux structurés, avec des garanties plus solides pour substituer progressivement à l’AGOA des mécanismes durables.

Implications ivoiriennes

La Côte d’Ivoire, économie exportatrice majeure (cacao, noix de cajou, produits transformés), surveille attentivement ces évolutions. Le pays doit intensifier ses efforts de diversification des marchés à l’export tout en jouant un rôle central dans la ZLECAf pour mutualiser les stratégies commerciales défensives.

L’encouragement à l’industrialisation locale s’impose pour réduire la dépendance aux matières premières brutes et renforcer la résilience économique face aux chocs externes.

L’incertitude autour de l’AGOA constitue un révélateur des fragilités des alliances commerciales traditionnelles. Cette crise potentielle pourrait paradoxalement accélérer la diversification économique africaine et renforcer l’intégration continentale, à condition que les stratégies déployées soient durables, collectives et innovantes.


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