Depuis son rachat par le géant maritime MSC en 2022, l’ex-Bolloré Africa Logistics, devenue Africa Global Logistics (AGL), accélère ses investissements pour s’imposer comme le champion de la logistique continentale. Une stratégie audacieuse face à une concurrence féroce.
Le continent africain connaît une transformation majeure de son secteur logistique. Au cœur de cette mutation, Africa Global Logistics (AGL) multiplie les initiatives pour consolider sa position dominante, portée par l’ambition de son nouveau propriétaire, le groupe MSC, qui a déboursé 5,7 milliards d’euros pour acquérir l’ancienne filiale de Bolloré.
Un réseau continental sans équivalent
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 23 000 collaborateurs dans 50 pays, dont 47 en Afrique, 22 concessions portuaires et 2 concessions ferroviaires majeures. Cette implantation géographique exceptionnelle fait d’AGL l’opérateur logistique multimodal de référence sur le continent. Un atout stratégique majeur dans un contexte où la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf) promet de créer un marché unique de 1,3 milliard de personnes.
L’entreprise ne se contente pas de maintenir ses positions. Ses projets d’investissement témoignent d’une ambition assumée : 12 milliards de francs CFA au Cameroun en 2025 (soit 71% d’augmentation par rapport à 2024), plus de 60 millions d’euros sur cinq ans en Côte d’Ivoire, et 230 millions d’euros pour l’expansion du terminal de Pointe-Noire au Congo. Au total, AGL investit environ 600 millions d’euros dans le développement de ses infrastructures et systèmes.
L’innovation au service de la performance
La transformation ne se limite pas aux infrastructures physiques. AGL mise massivement sur la digitalisation avec sa plateforme “LIVE”, qui offre une visibilité en temps réel des flux de transport et des prévisions basées sur l’intelligence artificielle. Le “Yiri Innovation Center” d’Abidjan, dédié à l’entrepreneuriat technologique, illustre cette volonté de modernisation.
Cette approche technologique s’accompagne d’un engagement environnemental marqué. Le label “Green Terminal”, lancé en partenariat avec Bureau Veritas, a déjà été attribué à 12 terminaux. En 2023, l’entreprise a réduit ses émissions de CO₂ par conteneur de 20,18 kg à 19,77 kg, démontrant que performance économique et responsabilité environnementale peuvent aller de pair.
Une concurrence qui s’intensifie
Pourtant, le chemin vers la domination continentale n’est pas sans embûches. DP World, ARISE, CMA CGM et d’autres géants mondiaux multiplient les investissements en Afrique. La signature récente d’un accord entre AD Ports Group et CMA CGM pour développer un terminal à Pointe-Noire illustre cette bataille acharnée pour les positions stratégiques.
Face à cette concurrence, AGL joue la carte de l’intégration verticale. Ses concessions ferroviaires SITARAIL (Côte d’Ivoire-Burkina Faso) et CAMRAIL (Cameroun), couplées à ses 66 ports secs, lui permettent d’offrir des solutions logistiques de bout en bout. Un avantage concurrentiel renforcé par l’expertise maritime du groupe MSC.
Un impact économique mesurable
Les retombées économiques d’AGL dépassent le cadre purement logistique. Avec plus de 98% d’employés locaux, l’entreprise contribue significativement au développement des compétences africaines grâce à ses centres de formation spécialisés. Sa filiale ivoirienne affiche des résultats encourageants : 84,56 milliards de francs CFA de chiffre d’affaires en 2023, avec un bénéfice net en hausse de 70,63%.
L’engagement d’AGL envers le contenu local se traduit par une politique d’achats responsables privilégiant les fournisseurs africains et le soutien aux PME locales. Cette approche, loin d’être uniquement philanthropique, vise à développer un écosystème économique durable autour de ses activités.
L’avenir se joue maintenant
La stratégie d’AGL s’inscrit dans une vision à long terme du développement africain. Ses partenariats, comme celui renouvelé avec la Confédération Africaine de Football ou sa participation au “Business and Industry in Africa Chair” de l’ESSEC, témoignent d’une approche globale du développement économique.
Cependant, l’entreprise doit composer avec les défis structurels du continent : infrastructures inadéquates, complexité réglementaire, instabilité politique dans certaines régions. Sa capacité à naviguer dans cet environnement complexe tout en maintenant sa croissance sera déterminante.
L’acquisition par MSC a indéniablement donné à AGL les moyens de ses ambitions. Reste à savoir si cette stratégie d’investissement massif permettra de distancer durablement la concurrence et de consolider son statut de leader incontesté de la logistique africaine. Les prochaines années seront décisives pour cette entreprise qui aspire à accompagner la transformation économique du continent.
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