Depuis son arrivée en 2012, le groupe marocain Addoha s’est imposé comme un acteur majeur du secteur immobilier en Côte d’Ivoire. Entre succès commerciaux et défis de croissance, portrait d’une entreprise qui redéfinit l’accès au logement pour la classe moyenne ivoirienne.
Quand Addoha débarque sur le marché ivoirien en 2012, le contexte est propice. La Côte d’Ivoire sort de la crise post-électorale et fait face à un déficit structurel de plus de 600 000 logements. Le gouvernement lance alors un ambitieux programme présidentiel de construction de logements sociaux et économiques. C’est dans cette dynamique que la filiale du groupe Douja Promotion, dirigé par l’influent homme d’affaires Anas Sefrioui, saisit l’opportunité.
Une implantation stratégique réussie
L’implantation d’Addoha en Côte d’Ivoire ne relève pas du hasard. Elle s’inscrit dans une logique de coopération Sud-Sud, portée par les relations privilégiées entre le Maroc et la Côte d’Ivoire. Dès 2012, une convention est signée avec l’État ivoirien pour la construction de près de 10 000 logements, marquant le début d’un partenariat public-privé efficace.
Le modèle économique adopté repose sur une répartition claire des rôles : l’État fournit les réserves foncières viabilisées et octroie des avantages fiscaux, tandis qu’Addoha apporte son capital, son expertise technique et sa force commerciale. Cette approche permet au groupe marocain de déployer rapidement son savoir-faire éprouvé dans le logement de masse, tout en s’adaptant aux spécificités du marché local.
Une stratégie diversifiée pour conquérir le marché
Contrairement aux idées reçues, Addoha ne se limite pas au segment du logement social. L’entreprise a développé une stratégie à double facette pour capter différentes strates du marché immobilier ivoirien.
Le logement économique comme moteur principal
Le cœur de l’activité reste la production de logements économiques et sociaux. La “Cité des Orchidées” à Koumassi constitue le projet emblématique du groupe, offrant à des milliers de ménages de la classe moyenne leur première accession à la propriété. D’autres programmes d’envergure comme “Green City” à Songon-Kassemblé ou la “Cité de l’Espérance” suivent cette même logique, créant de véritables nouvelles centralités en périphérie d’Abidjan.
Le modèle économique s’appuie sur trois piliers stratégiques : la pré-vente (VEFA) qui sécurise les flux de trésorerie, des partenariats bancaires avec les institutions locales (NSIA Banque, Banque Atlantique, BNI) proposant des crédits à taux préférentiels, et un marketing agressif promettant la propriété “au prix d’un loyer”.
La montée en gamme pour diversifier l’offre
Conscient de la diversité du marché ivoirien, Addoha a également investi le segment du haut standing. Le projet “Lagoona City” dans la zone portuaire d’Abidjan, ainsi que les programmes de villas et d’appartements de standing à Cocody (Angré), témoignent de cette volonté de diversification. Ces projets haut de gamme offrent des marges plus confortables et renforcent le positionnement du groupe comme promoteur complet.
Des relations institutionnelles solides mais une perception contrastée
Addoha bénéficie de relations privilégiées avec les autorités ivoiriennes, notamment le Ministère de la Construction et de l’Urbanisme. Cette proximité se traduit par une participation active à la mise en œuvre de la politique nationale du logement. Le récent accord de financement de 27 millions de dollars obtenu auprès de la Société Financière Internationale (SFI) en mars 2025 illustre cette reconnaissance institutionnelle.
Cependant, sur le terrain, la perception du groupe est plus nuancée. Malgré un impact indéniable en termes de volume de logements produits, Addoha fait face à des critiques récurrentes de ses clients. Les retards de livraison, les questions de qualité des finitions et le manque d’infrastructures de proximité dans certaines cités constituent les principaux griefs remontés par les acquéreurs.
Ces critiques, relayées par la presse et les réseaux sociaux, ternissent l’image d’un groupe qui, s’il a réussi le pari de la quantité, peine parfois à convaincre sur la qualité et le service après-vente.
Les défis de la consolidation
Aujourd’hui, Addoha Côte d’Ivoire se trouve confronté à plusieurs défis majeurs qui conditionneront son avenir sur le marché ivoirien.
L’intensification de la concurrence constitue le premier enjeu. Le succès d’Addoha a ouvert l’appétit d’autres acteurs. Des promoteurs locaux comme PFO Africa ou Opes Holding montent en puissance, transformant un marché autrefois peu concurrentiel en terrain de jeu disputé.
La gestion de la réputation représente un défi crucial à l’ère numérique. L’entreprise doit impérativement améliorer la qualité de ses constructions et sa communication post-livraison pour maintenir la confiance du marché et des clients.
Enfin, l’urbanisation intégrée émerge comme un nouveau paradigme. Il ne s’agit plus seulement de construire des logements, mais de créer des cadres de vie durables avec toutes les infrastructures sociales et économiques nécessaires.
Des perspectives d’avenir prometteuses
Malgré ces défis, les perspectives demeurent favorables pour Addoha. Le besoin en logement reste immense en Côte d’Ivoire, et le groupe dispose d’une réserve foncière et d’une capacité de production inégalées sur le marché local.
L’expansion vers d’autres villes ivoiriennes comme San Pedro ou Yamoussoukro représente une évolution logique. Plus largement, le succès de l’aventure ivoirienne sert de laboratoire pour l’expansion panafricaine du groupe, déjà présent au Sénégal et en Guinée.
Le modèle d’Addoha, basé sur un partenariat public-privé solide et une offre segmentée, constitue un cas d’école de l’investissement interafricain. En un peu plus d’une décennie, l’entreprise a profondément marqué le secteur immobilier ivoirien, démocratisant l’accès à la propriété pour des milliers d’Ivoiriens.
L’avenir du géant marocain en Côte d’Ivoire dépendra désormais de sa capacité à transformer les critiques en opportunités d’amélioration. Il ne s’agit plus seulement de construire vite et en grand, mais de construire bien et durablement, pour s’inscrire non plus uniquement comme un bâtisseur, mais comme un véritable développeur urbain au service des populations ivoiriennes.
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