La première levée internationale de capital-risque d’une startup gabonaise met en lumière le potentiel inexploité de l’Afrique francophone et interpelle l’écosystème ivoirien sur les conditions de réussite
Pozi, startup gabonaise spécialisée dans la télématique et la gestion de flotte, a levé en octobre 2025 un montant historique de 650 000 euros (environ 426 millions de FCFA) auprès de Saviu Ventures, avec Emsy Capital et Chazai Wamba. Cette première levée internationale de capital-risque pour une startup tech gabonaise interroge l’écosystème ivoirien sur les conditions de réussite dans un contexte où l’Afrique francophone ne capte que 15% des financements tech du continent.
Une percée dans un désert de financement
Le succès de Pozi prend tout son sens dans un contexte difficile. En 2024, l’Afrique centrale n’a capté que 5 millions de dollars de capital-risque, soit 0,2% des flux africains, tandis que les investissements globaux chutaient de 4,6 milliards en 2022 à 2,2 milliards. L’Afrique francophone ne reçoit qu’environ 15% des investissements totaux du continent.
Fondée en 2020 par Loïc Kapitho et Thomas Leluc, Pozi a développé une plateforme de gestion de flotte utilisant l’IA et l’analyse de données pour la maintenance prédictive, l’optimisation des opérations et la gestion des risques. Avec plus de 2 500 véhicules connectés et près de 200 clients, la startup a démontré sa viabilité avant de lever des fonds.
Selon Loïc Kapitho, « cette levée de fonds prouve que nos startups sont capables d’attirer la confiance de capitaux internationaux et de porter une ambition régionale forte ».
La Côte d’Ivoire dans le viseur de l’expansion
Pozi prévoit de s’implanter en Côte d’Ivoire dès 2025, première étape d’un plan visant 35 000 véhicules dans 10 pays d’ici 2030. Ce choix souligne l’attractivité d’Abidjan comme hub logistique, mais interroge aussi la capacité de l’écosystème ivoirien à produire des success stories comparables.
Si la Côte d’Ivoire compte des levées significatives – Djamo (14 millions de dollars en série A), Julaya (10,5 millions cumulés), Wave (licorne valorisée à 1,7 milliard d’euros avec 200 millions levés) – ces réussites demeurent l’exception. Des centaines d’autres startups peinent à franchir le cap du financement d’amorçage.
Les ingrédients du succès de Pozi
La trajectoire de Pozi révèle des facteurs transposables. D’abord, un produit à forte valeur ajoutée répondant à des besoins concrets : réduction des coûts, amélioration de la sécurité routière, optimisation logistique. La dimension impact (réduction des émissions de CO2) séduit des investisseurs attentifs aux critères ESG.
Ensuite, un accompagnement structurant et le choix stratégique de Saviu Ventures, fonds basé à Abidjan, Dakar et Paris, spécialisé dans l’Afrique francophone avec des tickets de 500 000 à 3 millions d’euros. Enfin, une équipe fondatrice expérimentée, ancrée localement et capable d’adapter la technologie aux réalités africaines.
Les défis structurels persistent
Les obstacles demeurent nombreux. Entre 2015 et 2021, sur 8,8 milliards de dollars levés par les startups africaines, seulement 417,9 millions ont été alloués aux pays francophones. La taille restreinte des marchés locaux, l’éclatement réglementaire et la barrière linguistique freinent la croissance.
Pour la Côte d’Ivoire, l’urgence est de renforcer les structures de soutien : incubateurs dotés de ressources pérennes, fonds d’amorçage locaux, partenariats public-privé via des politiques fiscales incitatives, et surtout, une interconnexion sous-régionale pour mutualiser ressources, marchés et talents entre pays francophones.
Changer de paradigme
Le potentiel existe. L’écosystème tech d’Afrique de l’Ouest francophone a enregistré une croissance de 15% en 2025, captant près des deux tiers des capitaux levés par les startups francophones. Pour transformer l’essai, il faut sortir du complexe de la “petite francophonie”, créer des synergies sous-régionales et miser sur des solutions locales à forte scalabilité.
La Côte d’Ivoire a tous les atouts pour jouer un rôle moteur dans l’émergence d’un écosystème francophone plus intégré et mieux financé. Le choix de Pozi de faire d’Abidjan sa première étape d’expansion en témoigne. Il revient aux acteurs locaux de saisir cette opportunité pour que les Pozi de demain naissent aussi à Abidjan, Bouaké ou San Pedro.
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