Lors de son discours d’adieu prononcé le 25 octobre à Abidjan, Benedict Oramah, président sortant d’Afreximbank, a tracé les contours d’une nouvelle phase pour la banque panafricaine. Après une décennie de construction, l’institution entame une ère de consolidation axée sur l’intégration commerciale, la transition écologique et l’innovation financière. Son successeur, George Elombi, hérite d’un agenda ambitieux mais porteur d’espoir pour le continent.
Les acquis de l’ère Oramah
Sous la présidence de Benedict Oramah, Afreximbank s’est imposée comme un acteur incontournable du financement du commerce africain. L’institution a notamment joué un rôle déterminant dans le lancement de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), en structurant des mécanismes de financement adaptés aux échanges intra-africains.
La mise en place de PAPSS (Pan-African Payment and Settlement System), le système panafricain de paiement et de règlement, constitue l’une des réalisations majeures de cette période. Ce dispositif permet aux pays africains de commercer entre eux en monnaies locales, réduisant ainsi la dépendance au dollar et les coûts de transaction.
L’institution a également créé des fonds d’ajustement pour accompagner les pays en difficulté, organisé des foires commerciales intra-africaines et mené des interventions d’urgence lors de crises, démontrant sa capacité à répondre aux besoins immédiats du continent tout en construisant les infrastructures du futur.
De la construction à la consolidation
Le passage de témoin à George Elombi marque un tournant stratégique. Plutôt que de multiplier les nouvelles initiatives, Afreximbank entend désormais consolider ses acquis et maximiser l’impact de ses interventions existantes. Cette approche vise à garantir la pérennité et l’efficacité des instruments déjà déployés.
La transition écologique s’inscrit au cœur de cette nouvelle phase. Face à l’urgence climatique et aux besoins massifs d’investissement dans les énergies propres, la banque intensifie son soutien aux technologies vertes. Le récent investissement de FEDA, sa filiale dédiée au développement des exportations, dans la startup Spiro (100 millions de dollars pour la mobilité électrique) illustre cette orientation stratégique.
Afreximbank compte également renforcer le financement des infrastructures transfrontalières, essentielles au succès de la ZLECAF. Routes, ports, corridors logistiques et réseaux énergétiques nécessitent des investissements considérables que seule une institution panafricaine peut coordonner efficacement.
Les défis de la nouvelle direction
George Elombi devra naviguer dans un environnement complexe marqué par plusieurs défis structurels. La discipline macroéconomique et budgétaire reste un enjeu majeur dans plusieurs pays africains, affectant leur capacité à honorer leurs engagements et à accéder aux financements internationaux.
La structuration des chaînes de valeur continentales constitue un autre défi de taille. Pour que la ZLECAF produise ses effets, il faut dépasser les simples échanges commerciaux et construire de véritables filières industrielles intégrées, créant de la valeur ajoutée localement.
L’accélération de la digitalisation des paiements via PAPSS nécessite également une impulsion supplémentaire. Malgré des débuts prometteurs, le système doit encore convaincre davantage d’acteurs économiques et de banques centrales de l’adopter massivement.
Enfin, la mobilisation de l’épargne locale pour financer le développement reste une priorité. Plutôt que de dépendre exclusivement des capitaux extérieurs, l’Afrique doit apprendre à mieux canaliser ses propres ressources vers des investissements productifs.
Une phase cruciale pour l’Afrique
Cette transition d’Afreximbank intervient à un moment charnière pour le continent. Entre pressions climatiques, fragmentations géopolitiques mondiales et opportunités de l’intégration régionale, l’Afrique doit consolider ses institutions panafricaines pour peser davantage dans l’économie mondiale.
Le modèle de développement que défend Afreximbank – fondé sur le commerce intra-africain, l’industrialisation verte et l’autonomie financière – représente une alternative crédible aux schémas traditionnels de dépendance. Sa capacité à tenir ses promesses conditionnera en grande partie la réussite de l’intégration économique africaine.
Pour les économistes et industriels du continent, le message est clair : après avoir construit les outils, l’heure est venue de les faire fonctionner pleinement. Le succès de cette consolidation déterminera si l’Afrique peut véritablement financer sa propre transformation.
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