Dette africaine : mobiliser l’épargne locale pour réduire la facture

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Le débat sur l’endettement africain prend un nouveau tournant. Selon l’économiste sénégalais Abdoulaye Mbaye, le véritable problème n’est pas tant le niveau de la dette que son coût, lié au recours massif aux financements externes en devises. Sa solution : repenser les systèmes de notation souveraine et mobiliser l’épargne intérieure pour financer le développement.

Un service de la dette qui pèse lourd

Beaucoup de pays africains affichent un taux d’endettement modéré, autour de 60% du PIB. Pourtant, le service de cette dette grève fortement leurs budgets. En 2022, le continent devait payer 44 milliards de dollars d’intérêts à ses créanciers extérieurs.

Le facteur déterminant n’est pas le volume de la dette, mais sa nature : contractée en devises étrangères, elle expose les États aux risques de change. Quand la monnaie locale se déprécie, le coût du remboursement explose en termes domestiques, créant une spirale difficile à maîtriser.

Repenser les notations souveraines

Les agences de notation évaluent aujourd’hui les pays africains principalement selon des critères liés à l’exportation, à la dette extérieure et aux devises. Cette approche pénalise les États qui développent leur marché obligataire domestique et cherchent à mobiliser des capitaux locaux.

Pour sortir de cette impasse, la mobilisation des ressources internes s’impose comme une nécessité. Les institutions comme la Caisse de Dépôt et de Consignations de Côte d’Ivoire (CDC-CI) ou le FONSIS au Sénégal démontrent qu’il est possible de canaliser l’épargne nationale vers le financement souverain et les investissements structurels.

Les avantages de la dette en monnaie locale

Emprunter en monnaie locale auprès des résidents présente plusieurs avantages stratégiques. D’abord, l’élimination du risque de change réduit mécaniquement le coût du service de la dette. Ensuite, cette approche stimule le développement du marché financier domestique, améliore la liquidité et réduit la prime de risque.

L’épargne locale, généralement plus patiente, peut aussi être orientée vers des investissements de long terme : infrastructures, industries, projets énergétiques. Un meilleur alignement entre les ressources mobilisées et les besoins de développement devient ainsi possible.

Des réformes nécessaires

Cette transition exige toutefois des réformes profondes. Le renforcement du marché obligataire domestique passe par une normalisation des émissions et la création d’un marché secondaire plus liquide. La formalisation de l’épargne informelle, via la digitalisation et l’inclusion financière, permettrait d’élargir considérablement la base de mobilisation.

Les réformes fiscales pour agrandir l’assiette et réduire l’évasion constituent également un levier indispensable. Enfin, les agences de notation doivent intégrer dans leurs évaluations la profondeur du marché domestique et la capacité de mobilisation de l’épargne locale.

Pour les pays de l’UEMOA comme la Côte d’Ivoire, ces leviers représentent une opportunité de construire un modèle de financement plus souverain, mieux adapté aux réalités du continent et moins dépendant des aléas des marchés internationaux.


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