Le 10 octobre 2025, Attijariwafa Bank a confié à l’Ivoirien Daouda Coulibaly la direction régionale de ses opérations en Afrique de l’Ouest. Premier non-Marocain à occuper un tel niveau de responsabilité dans le groupe, cet ingénieur de 54 ans formé en France incarne la nouvelle génération de leaders bancaires africains : ancrés dans leur marché local, rompus aux standards internationaux, et porteurs d’une vision panafricaine. Portrait d’un banquier qui a gravi tous les échelons.
De l’ingénierie à la finance d’entreprise
Daouda Coulibaly présente un profil atypique pour un banquier. Diplômé de l’École Centrale Paris, il complète sa formation par un MBA à la prestigieuse Booth School of Business de l’Université de Chicago. Cette double casquette – ingénierie et management – lui confère une approche analytique rigoureuse doublée d’une vision stratégique, deux atouts précieux dans un secteur bancaire en pleine transformation digitale.
Son engagement dans le réseau HEC Paris Alumni en Côte d’Ivoire témoigne de son attachement au développement du capital humain africain formé à l’international. Au-delà de sa carrière personnelle, Coulibaly s’inscrit dans cette génération de cadres qui considèrent le retour au continent non comme un repli, mais comme une opportunité de contribuer à son développement économique.
Vingt-quatre ans dans la même maison
Le parcours de Coulibaly est marqué par une fidélité rare dans le secteur bancaire. Après une première expérience comme auditeur chez PwC à Paris puis Abidjan dans les années 1990, il rejoint la Société Ivoirienne de Banque (SIB) en 2001 au poste de directeur financier adjoint. À l’époque, la SIB est encore une filiale du Crédit Agricole français.
L’ascension sera méthodique. Directeur du pôle Finances et Projets en 2008, Directeur Général Adjoint en 2009 lors du rachat de la SIB par Attijariwafa Bank, Coulibaly franchit le cap symbolique en février 2012 : il devient le premier Ivoirien à la tête de cette institution jusqu’alors dirigée par des expatriés. Une rupture historique qui marque l’africanisation progressive des directions bancaires dans la sous-région.
Durant près de neuf ans à la tête de la SIB, il impulse une expansion significative du réseau – qui comptait 36 agences en 2012 – et positionne la banque parmi les trois premiers établissements du pays. Cette performance lui vaut reconnaissance et distinctions professionnelles, consolidant sa réputation de gestionnaire efficace et visionnaire.
Le saut vers la dimension régionale
En 2021, Attijariwafa Bank confie à Coulibaly un nouveau défi : la direction générale d’Attijari West Africa (AWA), entité de coordination des filiales ouest-africaines du groupe basée à Abidjan. Quatre ans plus tard, le groupe franchit une étape supplémentaire en lui confiant la direction régionale de l’ensemble de ses opérations en Afrique de l’Ouest, tout en conservant ses fonctions actuelles.
Son périmètre d’action s’étend désormais sur sept pays : Côte d’Ivoire, Sénégal, Mali, Burkina Faso, Niger, Bénin et Guinée-Bissau. Une zone stratégique pour Attijariwafa Bank, présent dans 26 pays africains et désireux de renforcer son leadership continental face à une concurrence accrue.
Une feuille de route ambitieuse
La mission confiée à Coulibaly s’articule autour de quatre axes majeurs. D’abord, harmoniser la stratégie et les opérations entre les différentes filiales pour créer des synergies, unifier les processus et mutualiser les ressources. En tant que membre du Comité de Coordination et de Synergies d’Attijariwafa Bank, il fait le pont entre Casablanca et les entités locales.
Ensuite, accélérer la croissance commerciale en intensifiant l’ouverture d’agences de proximité, en élargissant la gamme de produits et en conquérant de nouveaux segments de clientèle. L’objectif affiché est d’accroître la proximité avec les acteurs économiques locaux dans chaque marché.
La transformation digitale constitue le troisième pilier. Dans une région où le taux de bancarisation ne dépasse pas 24% en zone UEMOA, le mobile banking et les portefeuilles électroniques représentent un levier essentiel pour toucher les populations non servies. La mise en place par la BCEAO d’un système de paiement instantané interopérable fin 2025 offre une opportunité unique de moderniser l’expérience client.
Enfin, Coulibaly devra promouvoir le financement des PME, qui constituent plus de 90% du tissu économique ouest-africain mais demeurent chroniquement sous-financées. Fort de son expérience de banquier de terrain, il entend développer une véritable “culture PME” au sein des filiales, axée sur la proximité et l’accompagnement non financier des entrepreneurs.
Naviguer en eaux troubles
Le contexte régional présente des défis considérables. Le secteur bancaire ouest-africain a connu une profonde recomposition ces deux dernières décennies. Les groupes européens – Société Générale, BNP Paribas – se sont progressivement retirés, laissant place aux champions africains, notamment marocains. Attijariwafa Bank, Bank of Africa et Banque Centrale Populaire se livrent désormais une concurrence féroce avec les acteurs continentaux comme Ecobank ou UBA.
Le marché reste extrêmement fragmenté : le premier groupe de l’UEMOA, Ecobank, ne détient que 9 à 10% de parts de marché. Cette absence de position dominante intensifie la bataille commerciale pour chaque segment de clientèle.
Les crises politiques au Mali, Burkina Faso et Niger créent par ailleurs un climat d’incertitude, avec des risques opérationnels accrus et des portefeuilles de crédit plus volatils. Coulibaly devra adapter sa stratégie pays par pays, en renforçant les dispositifs de conformité et en diversifiant les engagements sectoriels.
Le symbole d’une nouvelle ère
Au-delà de la performance individuelle, la nomination de Daouda Coulibaly revêt une dimension symbolique forte. Premier non-Marocain à occuper un tel niveau de responsabilité chez Attijariwafa Bank, il incarne cette génération de dirigeants africains formés à l’international mais profondément enracinés dans leurs marchés locaux.
Son parcours – vingt-quatre ans dans la même institution, une connaissance fine des réalités ouest-africaines, une vision stratégique aiguisée – en fait un chef de file légitime pour piloter l’expansion régionale du groupe. Dans un secteur où la proximité culturelle et linguistique devient un avantage compétitif décisif, cette gouvernance de proximité pourrait s’avérer déterminante.
Pour Attijariwafa Bank, le pari est clair : transformer l’Afrique de l’Ouest en moteur de sa croissance continentale d’ici 2030. Pour Daouda Coulibaly, le défi consiste à prouver qu’un leadership africain éclairé peut durablement transformer le paysage bancaire régional.
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