Début octobre 2025, plusieurs annonces d’investissement chinois dans les infrastructures portuaires et logistiques en Afrique de l’Ouest relancent le débat sur l’influence de Pékin dans la région. Pour la Côte d’Ivoire, ces mouvements constituent à la fois une opportunité stratégique et un défi de souveraineté.
Une présence chinoise massive dans le secteur portuaire
Pékin poursuit son effort historique de renforcement dans le secteur portuaire africain. La Chine est aujourd’hui actrice dans 35 projets portuaires en Afrique de l’Ouest et détient déjà des concessions opérationnelles dans une dizaine de ports sur le continent, souvent selon des modèles Build-Operate-Transfer ou de gestion partagée.
Les entreprises chinoises de génie civil, telles que China Communications Construction Corporation ou China Harbour Engineering, sont sollicitées pour la construction, l’extension, le dragage et l’équipement des terminaux, renforçant la densité logistique du littoral ouest-africain.
La montée des échanges commerciaux Chine-Afrique, qui ont atteint 222,05 milliards USD pour les huit premiers mois de 2025, souligne l’intérêt stratégique de l’acheminement fluide de marchandises. Au-delà des ports, Pékin manifeste un regain d’intérêt pour les corridors ferroviaires : la Chine soutient notamment le projet de réhabilitation de la ligne TAZARA entre la Zambie et la Tanzanie pour 1,4 milliard USD.
Le discours officiel chinois prévoit également de renforcer les investissements dans les parcs industriels, installations logistiques et projets énergétiques, encourageant les coopérations public-privé autour de zones logistiques et de hubs régionaux.
Des opportunités de compétitivité pour Abidjan
Avec des ports modernisés et mieux connectés, la Côte d’Ivoire pourrait capter davantage de trafic régional et réduire les coûts de transport pour ses exportateurs de cacao, produits agricoles et biens manufacturés. Cela pourrait renforcer Abidjan en tant que hub logistique sous-régional.
Une meilleure interconnexion entre ports, corridors routiers et ferroviaires limiterait les ruptures de charge, les retards et les surcoûts de manutention, souvent signalés comme freins à l’investissement. L’existence d’infrastructures performantes attire les investisseurs industriels recherchant des chaînes d’approvisionnement fiables, stimulant potentiellement l’implantation de zones industrielles.
Lorsque des ports environnants au Ghana, au Bénin ou au Sénégal bénéficient d’investissements chinois, la Côte d’Ivoire risque de perdre du trafic vers ses concurrents si elle ne maintient pas son niveau. À l’inverse, si les investissements chinois touchent le territoire ivoirien, Abidjan pourrait devenir un maillon plus central dans les flux régionaux.
Des risques de dépendance à surveiller
Lorsque les entreprises chinoises obtiennent des concessions portuaires, elles prennent souvent le contrôle opérationnel ou une part significative de gestion. Cela peut limiter l’influence de l’État local sur les conditions tarifaires, priorités d’investissement ou orientation logistique. La base de données du Council on Foreign Relations recense 129 projets portuaires contrôlés, construits ou opérés par des entités chinoises dans le monde.
Les financements chinois sont souvent assortis de clauses sur les taux d’intérêt et conditions de rapatriement. L’État doit veiller à ce que les accords ne deviennent pas des pièges de la dette. Si les entreprises chinoises importent la majeure partie des équipements et de l’expertise, l’impact sur la construction de capacités nationales peut rester limité.
Les débats autour de la gouvernance, de la transparence des concessions et de la fixation des tarifs portuaires constituent des zones de risque. Certains ports chinois opérés dans le monde sont considérés comme ayant des potentialités duales, commerciales et militaires.
Pour tirer le meilleur parti de ces investissements, la Côte d’Ivoire doit négocier des co-investissements associant acteurs ivoiriens, inscrire des clauses de transfert de compétences, harmoniser les corridors régionaux et veiller à la durabilité financière des projets.
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