Café-Cacao : la campagne de financement de Banque Atlantique face aux réalités du terrain

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Lancée le 24 septembre 2025 à Abidjan, la campagne de financement café-cacao de Banque Atlantique suscite des retours contrastés après quelques semaines d’opération. Si l’initiative répond à un besoin criant de financement adapté pour la filière, des défis logistiques et de remboursement émergent déjà sur le terrain.

Un dispositif ambitieux pour accompagner la filière

Le lancement officiel s’est déroulé en présence des représentants du secteur : producteurs, coopératives, exportateurs et Conseil du Café-Cacao. Le dispositif proposé par Banque Atlantique comprend plusieurs volets intégrés.

Des financements alignés sur les cycles de production incluent prêts à court terme pour intrants, avances à la récolte et crédits de commercialisation. Une expertise technique dédiée accompagne les acteurs dans les bonnes pratiques agronomiques et de gestion. Des solutions de couverture des risques adaptés – assurance, garanties – complètent l’offre, tandis que des services numériques et de proximité visent à toucher les zones rurales les plus isolées.

La banque affiche une ambition de contribuer à la transformation locale. Dans un contexte où la Côte d’Ivoire vise 50% de transformation de sa production cacaoyère, 200 000 tonnes de capacité supplémentaire seraient nécessaires selon les communications de l’établissement.

L’initiative répond à l’un des grands maux de la filière : le manque de financement adapté et la faiblesse de l’accès bancaire pour de nombreux producteurs.

Des signaux positifs mais des tensions précoces

Plusieurs éléments encourageants émergent des premiers retours. Certaines coopératives rapportent un accès plus rapide au crédit, avec des avances de trésorerie pour les intrants plus faciles à débloquer comparées aux circuits informels habituels. L’encadrement technique est apprécié : des producteurs bénéficient de conseils agronomiques associés au crédit, augmentant la confiance. “Ce n’est pas seulement de l’argent, mais un accompagnement”, rapporte un responsable coopératif.

Dans certaines zones, l’avance bancaire permet de mieux organiser la collecte, la traçabilité et le transport vers les points de collecte.

Toutefois, des difficultés apparaissent rapidement. Dans les régions éloignées, acheminer les intrants ou amener les fèves jusqu’aux centres de collecte reste une contrainte forte. Le coût du transport et les frais intercalaires réduisent considérablement la marge nette après remboursement, selon les plaintes de plusieurs producteurs.

Des contraintes de trésorerie préoccupantes

Le délai entre le décaissement des intrants et la vente de la récolte peut être long, notamment en cas de récolte tardive ou de conditions climatiques défavorables. Cette situation pèse sur la capacité du producteur à honorer le prêt à l’échéance prévue. Des craintes de pénalités ou de surcharges d’intérêt en cas de retard peuvent dissuader le recours massif au dispositif.

L’asymétrie d’information – capacité de production, historique, solvabilité – limite la confiance de la banque dans certains micro-producteurs. Pour quelques acteurs, le montant de l’avance proposé est jugé insuffisant par rapport aux besoins réels en intrants, main-d’œuvre ou logistique. Certains doivent compléter par des apports personnels ou des emprunts informels, fragilisant l’équation financière.

Les aléas climatiques, maladies et pertes de récolte peuvent compromettre la capacité à produire le volume attendu, donc le potentiel de remboursement. Le risque de fluctuation des prix mondiaux du cacao constitue une menace supplémentaire sur les marges.

Des ajustements nécessaires

Plusieurs défis structurels doivent être surmontés. L’hétérogénéité des acteurs complique la tâche : les producteurs de petite taille ou les exploitants isolés présentent des profils plus risqués, tandis que certaines coopératives moins bien organisées peinent à constituer des dossiers bancables.

La capacité d’évaluation et de suivi de la banque nécessite des moyens logistiques conséquents : réseau de terrain, agents de suivi, système de scoring agricole fiable. Beaucoup de producteurs ne sont pas habitués aux mécanismes bancaires – plannings, garanties, obligations contractuelles. Le passage à une relation bancaire formelle nécessite un effort de pédagogie considérable.

Pour maximiser l’efficacité du dispositif, plusieurs pistes d’amélioration s’imposent. Un échelonnement flexible des remboursements selon les zones de récolte et le calendrier local permettrait d’amortir les chocs. La segmentation de l’offre selon le profil du producteur – micro-crédits pour les petits, crédits structurés pour les moyens, financement de transformation pour les coopératives – améliorerait l’adéquation.

Les partenariats publics-privés et l’usage de fonds de garantie agricole pourraient couvrir une partie des risques. L’intensification de l’encadrement technique, la digitalisation de la traçabilité et la révision des plafonds de financement complètent les axes d’amélioration identifiés.

Dans les prochains mois, le taux de remboursement effectif constituera l’indicateur clé pour juger de la réussite de cette initiative.


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