Dévoilé officiellement en septembre 2025 lors du salon automobile d’Abidjan, Yango Motors marque l’arrivée d’un nouvel acteur sur le marché automobile ivoirien. Au-delà de la distribution de véhicules, cette initiative soulève une question stratégique : peut-elle catalyser l’émergence d’une industrie d’assemblage local ?
Un positionnement d’intégrateur de mobilité
Yango, initialement connu comme acteur de la mobilité via son application de covoiturage et VTC, opère un basculement vers la distribution automobile. Yango Motors se présente comme distributeur officiel des marques chinoises Bestune et Kaiyi, avec des modèles “adaptés aux réalités ivoiriennes”.
L’approche se distingue par son caractère intégré. L’offre s’accompagne d’options de financement localisées via banques ou sociétés de leasing pour rendre l’accès au véhicule plus accessible. L’entreprise promet également un réseau d’après-vente et de pièces de rechange fiable, élément souvent négligé sur les marchés africains où la disponibilité des pièces freine la confiance des usagers.
Le lancement intervient dans un contexte favorable : le retrait d’Uber du marché ivoirien laisse la place à Yango dans le segment de la mobilité locale. Par ailleurs, l’entreprise a renforcé son ancrage africain en installant un bureau régional à Abidjan, illustrant sa volonté de faire de la Côte d’Ivoire un hub opérationnel pour ses activités continentales.
Un marché encore peu structuré
Le contexte du secteur automobile ivoirien reste dominé par l’importation de véhicules complets, souvent d’occasion. En 2024, l’enregistrement de nouveaux véhicules neufs en Côte d’Ivoire aurait atteint 24 633 unités, un indicateur positif mais insuffisant pour justifier à lui seul un assemblage local.
L’assemblage national demeure quasi absent. Les capacités industrielles locales pour structurer une ligne d’assemblage – carrosserie, moteur, châssis, électronique – sont très limitées. L’environnement industriel nécessaire pour alimenter une chaîne d’assemblage complète n’est pas encore mature. Sur le plan réglementaire, le pays ne dispose pas de politiques claires ou de zones industrielles spécialisées favorisant l’assemblage automobile.
La piste de la micro-mobilité électrique
Si l’assemblage de voitures thermiques traditionnelles reste un défi de long terme, un angle plus accessible pourrait s’ouvrir : l’assemblage local de mobilité légère ou électrique. Motos électriques, trottinettes, petits véhicules utilitaires légers ou micro-voitures présentent plusieurs avantages.
Les besoins en énergie, matériaux et composants sont moindres que pour une voiture complète, réduisant les coûts d’entrée. Ce segment connaît déjà une croissance en Afrique, avec des startups comme Spiro, spécialisée dans les motos électriques et disposant d’usines d’assemblage sur le continent.
L’assemblage local permettrait de réduire les coûts d’importation, de générer de la valeur locale – emploi, R&D, logistique – et de créer une demande structurée. Des expériences africaines inspirent cette voie : Volkswagen a mis en place une usine d’assemblage semi-knock-down à Accra capable d’assembler 5 000 véhicules par an, tandis que le Rwanda développe des initiatives de micro-mobilité.
Des conditions exigeantes à réunir
Pour qu’un projet d’assemblage local devienne viable, plusieurs conditions doivent être réunies. Yango devrait négocier avec ses fournisseurs pour obtenir des kits CKD ou SKD pour assemblage local plutôt que l’importation complète. Une infrastructure industrielle dédiée s’impose : usine avec lignes d’assemblage, équipements spécialisés, parc de fournisseurs locaux.
Les incitations fiscales demeurent cruciales : exonérations pour les importations de pièces détachées, allègements fiscaux, droits de douane réduits pour les kits, protection temporaire pour la montée en puissance. Un marché captif doit être garanti, avec Yango Motors comme débouché initial via son réseau de distribution.
La formation des compétences techniques constitue un autre pilier essentiel : mécanique, électronique, logiciel embarqué, assemblage, contrôle qualité. Des partenariats avec écoles techniques et universités devront être mobilisés.
Des risques à ne pas sous-estimer
L’assemblage automobile complet exige des investissements élevés. Si le volume reste faible, le coût unitaire sera trop élevé pour être compétitif. Même en assemblant localement, la majorité des pièces devront être importées initialement, avec des coûts en devises et des délais à gérer.
L’incertitude réglementaire et la concurrence des importations de véhicules d’occasion peuvent miner la rentabilité. L’acceptation du marché dépendra de la capacité à convaincre le consommateur ivoirien de la qualité et du rapport coût-maintenance des produits assemblés localement.
La voie la plus réaliste semble être un démarrage progressif par l’assemblage de motos électriques ou véhicules utilitaires légers, testant le modèle avant toute extension aux voitures complètes.
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