Santé : l’Afrique de l’Ouest unit ses forces contre la fièvre de Lassa

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La conférence d’Abidjan mobilise 300 experts pour renforcer la coopération régionale face à un fléau qui tue 5 000 personnes par an

Du 8 au 11 septembre, Abidjan a accueilli la 2ème conférence internationale de la CEDEAO sur la fièvre de Lassa, marquant une étape décisive dans la lutte contre cette fièvre hémorragique qui continue de faire des ravages en Afrique de l’Ouest. Placée sous le thème “Au-delà des frontières”, cette rencontre de quatre jours a réuni plus de 300 participants venus du monde entier pour renforcer les capacités régionales en matière de recherche, surveillance et gestion des épidémies.

Un fléau aux dimensions régionales alarmantes

Les chiffres présentés lors de la conférence confirment l’ampleur du défi sanitaire. Selon l’Organisation mondiale de la santé, la fièvre de Lassa touche chaque année entre 100 000 et 300 000 personnes en Afrique de l’Ouest, causant près de 5 000 décès. Cette maladie virale aiguë, transmise principalement par le rat du Natal, demeure endémique au Nigeria, en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone, où des flambées épidémiques surviennent régulièrement.

Le Nigeria, pays le plus touché, a enregistré en 2024 pas moins de 190 décès et 1 154 cas confirmés sur près de 9 500 signalés. Les États d’Ondo, Edo et Bauchi concentrent à eux seuls près de 70% des infections, illustrant la géographie particulière de cette épidémie qui suit les saisons sèches, généralement de décembre à avril.

L’absence de vaccin et de traitement antiviral approuvé accentue dramatiquement l’impact socio-économique de la maladie, notamment dans les zones rurales et défavorisées où l’accès aux soins demeure limité. Une infection sur cinq évolue vers une forme grave, touchant le foie, la rate et les reins, avec un taux de létalité pouvant atteindre 15 à 30% parmi les cas symptomatiques.

Une mobilisation politique et scientifique inédite

La cérémonie d’ouverture, présidée par le Premier ministre ivoirien Robert Beugré Mambé, a donné le ton de cette mobilisation collective. “La coopération et la solidarité régionales doivent être le socle de la lutte contre les maladies dites émergentes”, a-t-il affirmé, rappelant que “toute épidémie localisée dans un pays de l’espace communautaire constitue une menace potentielle pour tous”.

Cette vision transfrontalière trouve sa justification dans la réalité épidémiologique : les virus ne connaissent pas les frontières politiques. La commissaire à la santé et aux affaires humanitaires de la CEDEAO, l’Ambassadeur Amma Twun Amoah, a insisté sur cette nécessité d’avoir “une collaboration renforcée entre les États pour détecter les épidémies et les contrôler”.

La conférence a bénéficié de la participation de personnalités de haut niveau, témoignant de l’importance accordée à cette problématique : Abdouramane Diallo représentant l’OMS, Muhammad Ali Pate, ministre coordinateur de la Santé du Nigeria, et Pierre N’Gou Dimba, ministre ivoirien de la Santé.

Vers une stratégie régionale intégrée

Organisée par l’Organisation ouest-africaine de la santé (OOAS) en collaboration avec l’OMS, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI), cette conférence a abordé les grands défis contemporains de la lutte contre les maladies infectieuses émergentes.

Les sessions ont mis l’accent sur plusieurs axes stratégiques : la coopération transfrontalière, l’usage des technologies numériques pour la surveillance épidémiologique, l’engagement communautaire et le financement durable des politiques de santé publique. Un dialogue ministériel stratégique a réuni les responsables sanitaires pour harmoniser les protocoles de surveillance et améliorer la coordination transfrontalière.

Le directeur exécutif du Centre régional de surveillance et de contrôle des maladies (CRSCM), Dr Diarrassouba Mamadou, a réaffirmé la nécessité de mutualiser les ressources, notamment les laboratoires de référence, entre pays voisins. Il a également appelé à la validation politique des textes régionaux encadrant le mécanisme “Une seule santé”.

Un contexte épidémiologique préoccupant

Cette mobilisation intervient dans un contexte sanitaire alarmant : plus de 65 épidémies ont été enregistrées sur le continent africain en avril 2025, dont une épidémie de choléra ayant occasionné plus de 6 000 décès. Face à cette multiplication des crises sanitaires, les experts soulignent l’urgence de renforcer les capacités locales en matière de santé publique.

La conférence s’est achevée sur un appel à une action collective immédiate, réaffirmant que la lutte contre la fièvre de Lassa doit être une priorité de sécurité sanitaire pour l’ensemble des pays membres de la CEDEAO. Les recommandations issues de ces quatre jours de travaux visent à transformer la coopération ouest-africaine en un rempart durable contre les épidémies, renforçant la résilience des populations face aux maladies infectieuses émergentes dans une région où l’intégration sanitaire devient un enjeu de survie collective.


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