Cacao ivoirien : le CCC abaisse encore ses objectifs d’exportation face à une crise structurelle

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La Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, revoit une nouvelle fois à la baisse ses ambitions pour la campagne 2025/2026. Le Conseil du Café-Cacao (CCC) vient d’annoncer un plafond de ventes à terme ramené à 1,2 million de tonnes, soit 100 000 tonnes de moins que l’objectif fixé en mars dernier.

Cette nouvelle révision, annoncée le 13 août, illustre l’ampleur des défis auxquels fait face la filière cacaoyère ivoirienne. Alors que le pays exportait habituellement 1,7 million de tonnes, les objectifs successifs – d’abord ramenés à 1,3 million de tonnes en mars, puis à 1,2 million aujourd’hui – témoignent d’une adaptation forcée à une réalité productive dégradée.

Des causes multiples et profondes

Les racines de cette crise sont structurelles. La production ivoirienne a chuté drastiquement, passant d’un pic de 2,3 millions de tonnes en 2022/23 à environ 1,75 million de tonnes lors de la campagne 2023/24. Cette baisse s’explique par plusieurs facteurs convergents qui fragilisent durablement l’outil productif national.

Le vieillissement des plantations constitue le premier défi : 70% des cacaoyers ne sont plus en état de produire efficacement. Parallèlement, la propagation du swollen shoot virus touche désormais environ la moitié des exploitations, compromettant sévèrement les rendements futurs.

Les aléas climatiques amplifient cette vulnérabilité. La succession d’épisodes de sécheresse et de pluies irrégulières perturbe les cycles de production. La récolte intermédiaire (mid-crop) illustre parfaitement cette situation : estimée en chute de 40%, elle ne devrait atteindre que 280 à 300 000 tonnes contre 500 000 tonnes habituellement.

Répercussions sur l’ensemble de la filière

Cette contraction de l’offre génère des effets en cascade sur l’économie cacaoyère. Au niveau international, elle alimente les tensions sur les cours mondiaux, déjà marqués par une crise des prix historique amorcée en 2024. Pour les acteurs locaux, la réduction des volumes exportables compromet la planification des opérateurs et pèse sur les revenus des coopératives.

Les petites structures font face à des défis supplémentaires. Les nouvelles réglementations anti-déforestation européennes imposent des coûts de mise en conformité estimés à 200 FCFA par kilogramme, menaçant la viabilité de nombreuses exploitations sans intervention étatique.

Paradoxalement, certaines modernisations s’accélèrent. La traçabilité numérique progresse avec le déploiement de cartes d’identification des agriculteurs et de systèmes de paiement mobile, permettant une meilleure structuration de la commercialisation.

Vers une transformation nécessaire

Face à cette situation, plusieurs axes de redressement s’esquissent. La rénovation du verger national apparaît prioritaire, nécessitant une accélération des programmes de replantation avec des variétés résistantes aux maladies et mieux adaptées aux évolutions climatiques.

La montée en gamme industrielle représente également un levier stratégique. Le renforcement des capacités de transformation locale, notamment chez des acteurs comme Transcao, permettrait de capturer davantage de valeur ajoutée sur le territoire national.

L’initiative Côte d’Ivoire-Ghana pour le cacao (CIGCI) pourrait jouer un rôle renforcé dans la stabilisation des revenus producteurs, à l’image d’un “OPEP du cacao” capable d’influencer les équilibres mondiaux.

Un tournant décisif

La révision successive des objectifs d’exportation traduit l’urgence d’une transformation structurelle de la filière cacaoyère ivoirienne. Au-delà des ajustements conjoncturels, c’est la capacité du pays à préserver son leadership mondial qui se joue. Entre renouvellement agricole, modernisation industrielle et soutien ciblé aux producteurs, les choix des prochains mois détermineront l’avenir d’un secteur vital pour l’économie nationale.


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