Dangote Cement s’implante en Côte d’Ivoire : une révolution annoncée pour le secteur cimentier

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Le géant nigérian Dangote Cement franchit une nouvelle étape dans sa conquête du marché ouest-africain. Prévu pour le troisième trimestre 2025, le démarrage de son usine de broyage d’Attingué, dans la zone industrielle d’Abidjan, marque l’entrée d’un acteur de poids sur le marché ivoirien du ciment. Avec une capacité de production de 3 millions de tonnes par an et un investissement de 250 millions de dollars, cette installation redessine les contours d’un secteur jusqu’alors dominé par des acteurs établis.

Un colosse africain aux ambitions continentales

Fondé en 1992 sous le nom d’Obajana Cement, Dangote Cement s’est imposé comme le leader incontesté du ciment en Afrique subsaharienne. Avec une capacité installée de 48,6 millions de tonnes par an répartie sur plus de dix marchés africains, dont 32,3 Mt/an au Nigeria et 16,3 Mt/an dans neuf autres pays (Ghana, Éthiopie, Tanzanie, Cameroun, Sénégal), l’entreprise affiche une santé financière éclatante. Au deuxième trimestre 2025, son bénéfice net a triplé pour atteindre 309 milliards de nairas, porté par l’amélioration des prix et la stabilité du naira.

Cette expansion ivoirienne s’inscrit dans une stratégie panafricaine visant à optimiser les circuits logistiques tout en renforçant la présence régionale du groupe. L’usine d’Attingué vient ainsi compléter un réseau industriel pensé pour desservir plus efficacement les marchés francophones ouest-africains, en phase avec les ambitions de la Zone de libre-échange continentale africaine (AfCFTA).

Un marché ivoirien en pleine croissance

Le timing de cette implantation n’a rien du hasard. Le marché ivoirien du ciment connaît une dynamique exceptionnelle, stimulé par une demande soutenue en infrastructures. Les analystes estiment le taux de croissance annuel composé à 9,6% entre 2025 et 2032, faisant de la Côte d’Ivoire l’un des marchés les plus attractifs de la sous-région.

L’arrivée de Dangote bouleverse un écosystème jusqu’alors structuré autour d’acteurs établis : la Société ivoirienne de ciment (SIC), Ciments de l’Afrique (CIMA), ou encore des groupes internationaux comme Scancem et Vicat. Ces entreprises devront désormais composer avec un concurrent disposant d’avantages concurrentiels considérables : économies d’échelle, intégration verticale et capacité de financement.

Des retombées économiques multiples

L’impact de cette nouvelle usine dépasse le seul cadre industriel. Sur le plan de l’emploi, l’installation génèrera entre 2 000 et 3 000 emplois directs, auxquels s’ajouteront de nombreux postes indirects dans la chaîne logistique, chez les fournisseurs et prestataires de services. Pour un pays où la création d’emplois industriels reste un défi majeur, cette contribution s’avère significative.

L’effet sur les prix constitue l’autre enjeu majeur de cette implantation. L’arrivée d’un producteur de cette envergure devrait exercer une pression à la baisse sur les tarifs, particulièrement sur les segments urbains et périurbains d’Abidjan. Cette dynamique bénéficiera aux consommateurs et aux entreprises du BTP, tout en stimulant l’activité de construction.

Du point de vue macroéconomique, la production locale permettra de réduire les importations de ciment, allégeant ainsi le déficit commercial tout en renforçant la souveraineté industrielle du pays. Cette substitution aux importations s’inscrit parfaitement dans la stratégie gouvernementale de transformation structurelle de l’économie ivoirienne.

Une logistique repensée

Dangote Cement mise sur une approche logistique innovante pour optimiser ses coûts et son empreinte environnementale. L’entreprise déploie notamment des camions fonctionnant au gaz naturel comprimé (CNG), réduisant simultanément les coûts de transport et les émissions de CO₂. Cette modernisation s’accompagne d’une stratégie d’approvisionnement intégrée, avec des exportations de clinker depuis le Nigeria qui ont progressé de 18,2% au premier semestre 2025.

Des défis à relever

Malgré ces perspectives prometteuses, plusieurs défis demeurent. Sur le plan environnemental, la production de ciment reste l’une des activités industrielles les plus émettrices de CO₂. Si l’usage du CNG constitue un progrès, il ne suffit pas à répondre aux enjeux de transition bas carbone.

Les autorités ivoiriennes devront par ailleurs veiller à maintenir un environnement concurrentiel sain. L’arrivée d’un acteur de cette dimension soulève des questions légitimes sur les risques de concentration excessive du marché et la protection des producteurs locaux.

Enfin, la stabilité de l’approvisionnement en matières premières, notamment en clinker et en énergie, conditionnera la viabilité à long terme de cette implantation.

Un tournant pour l’industrie ivoirienne

L’installation de Dangote Cement en Côte d’Ivoire symbolise une nouvelle étape dans l’industrialisation africaine. Elle illustre la capacité des conglomérats africains à développer des stratégies d’intégration régionale ambitieuses, s’affranchissant progressivement de la dépendance aux acteurs extracontinentaux.

Pour la Côte d’Ivoire, cette implantation renforce son positionnement de hub économique ouest-africain tout en contribuant à la densification de son tissu industriel. Au-delà des enjeux sectoriels, c’est bien l’émergence d’une Afrique qui construit elle-même son avenir qui se dessine à travers cette initiative.


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