En quelques années seulement, Djamo est devenue l’une des success stories les plus emblématiques de la fintech africaine. Première startup ivoirienne admise au prestigieux accélérateur Y Combinator, la néobanque vient de boucler une levée de fonds record de 17 millions de dollars et compte désormais plus d’un million d’utilisateurs actifs. Derrière cette ascension fulgurante se cache un duo complémentaire : Régis Bamba et Hassan Bourgi, deux cofondateurs aux parcours très différents mais unis par une vision commune de démocratisation de l’accès aux services financiers en Afrique francophone.
Deux profils, une rencontre providentielle
Régis Bamba incarne le profil de l’expert technologique local. Diplômé en informatique de Towson University dans le Maryland, cet ingénieur a fait ses armes pendant cinq ans chez MTN Côte d’Ivoire comme product manager, où il a piloté le développement de services financiers mobiles générant des millions en revenus. Cette expérience lui a forgé une solide expertise du marché ivoirien et une connaissance fine des attentes des consommateurs locaux.
Hassan Bourgi présente un profil radicalement différent. Entrepreneur cosmopolite issu de la diaspora ivoirienne, formé en management à l’EADA Business School en Espagne, il s’est d’abord illustré sur la scène internationale. En 2015, il cofonde Busportal, une plateforme de réservation de bus opérant au Pérou et en Colombie. Le succès est au rendez-vous : la startup séduit des milliers d’utilisateurs en Amérique latine avant d’être rachetée en 2019 par le géant sud-africain Naspers via sa filiale RedBus.
C’est précisément ce retour au pays qui va déclencher l’aventure Djamo. De retour en Côte d’Ivoire après des années passées à l’étranger, Hassan se confronte à une réalité frustrante : ouvrir un compte bancaire à Abidjan relève du parcours du combattant, même pour un entrepreneur rompu au digital. Cette expérience personnelle va servir de déclic et de point de départ à la réflexion sur une solution alternative.
Les deux futurs associés sont présentés l’un à l’autre en 2019 par des connaissances communes de l’écosystème tech. Le courant passe immédiatement entre Régis, le “tech” local, et Hassan, le stratège globe-trotter. La complémentarité est telle que Régis n’hésite pas longtemps : il démissionne de son poste chez MTN trois jours seulement après avoir rencontré son futur associé.
Une startup née de la frustration client
Fin 2019, les deux cofondateurs s’attellent aux premières lignes de code de ce qui deviendra Djamo – un nom inspiré d’un mot baoulé signifiant “viens, on y va”. Leur constat de départ est simple mais édifiant : pourquoi l’accès aux services financiers ne passerait-il pas, comme le mobile money, par le téléphone ?
Leur premier produit révolutionne les codes établis : une carte Visa prépayée, commandable et gérable intégralement depuis un smartphone. L’inscription se fait via l’application en quelques minutes, un coursier Djamo livre la carte chez le client en 24 heures, et voilà un nouvel utilisateur bancarisé sans avoir mis les pieds en agence.
Cette approche mobile-first répond à un besoin criant. Dans une région où moins de 25% des adultes ont accès aux services financiers formels, mais où plus de 80% possèdent un téléphone mobile, l’opportunité est considérable. L’inclusion financière devient alors le leitmotiv des fondateurs, qui voient au-delà du simple business model.
L’accélération internationale
Le projet suscite rapidement l’intérêt des investisseurs. Dès juin 2019, avant même le lancement public, Djamo décroche un pré-Seed de 350 000 dollars auprès de business angels – un montant alors inédit à ce stade en Afrique francophone.
Le véritable tournant survient début 2021 avec la sélection par Y Combinator, faisant de Djamo la première startup ivoirienne admise dans ce programme ultra-sélectif qui a vu naître des géants comme Stripe ou Airbnb. Pendant trois mois à San Francisco, Régis et Hassan affinent leur modèle économique et préparent un lancement à grande échelle.
Cette consécration internationale propulse Djamo sur le devant de la scène. De retour en Côte d’Ivoire fin 2021, les fondateurs passent à l’offensive avec un lancement officiel qui conquiert ses premiers milliers de clients en quelques semaines, uniquement grâce au bouche-à-oreille.
Un modèle économique innovant
L’une des particularités de Djamo réside dans son modèle économique. Contrairement aux néobanques occidentales qui misent souvent sur la gratuité totale, les cofondateurs ont opté pour un modèle freemium avec abonnement premium – un positionnement rare en Afrique.
Cette approche pragmatique témoigne de leur volonté de démontrer rapidement la viabilité économique de leur projet. En 2023, environ 25% des utilisateurs souscrivent à l’offre premium, générant des revenus récurrents tout en maintenant un service de base gratuit pour favoriser l’inclusion.
Plutôt que d’attaquer frontalement les banques traditionnelles, Djamo adopte une stratégie de partenariat. Tous les produits sont développés en collaboration avec des banques régionales, conformément à la réglementation UEMOA. Cette approche collaborative permet à la fintech d’apporter ce qui manque souvent aux établissements traditionnels : l’agilité technologique et l’obsession de l’expérience utilisateur.
Une expansion régionale méthodique
L’ambition de Djamo dépasse largement les frontières ivoiriennes. Dès sa création, la startup s’inscrit dans une logique panafricaine, tirant parti des avantages de la zone UEMOA avec sa monnaie commune et sa régulation financière harmonisée.
En 2022, Djamo s’implante au Sénégal, deuxième marché ouest-africain, en réutilisant son modèle éprouvé. Cette expansion régionale s’appuie sur une vision claire : servir des millions de clients du Golfe de Guinée jusqu’au Sahel.
Les chiffres témoignent de cette croissance accélérée. Fin 2024, la société revendique plus d’un million d’utilisateurs actifs et plus de 2 millions de téléchargements de son application, faisant d’elle le premier distributeur de cartes bancaires en Côte d’Ivoire.
Un leadership moderne et inclusif
Le duo dirigeant cultive un style de management résolument moderne. Hassan Bourgi occupe le rôle de CEO, pilotant la stratégie et les levées de fonds, tandis que Régis Bamba excelle comme CPO/CTO, orchestrant le développement produit. Ce partage clair des responsabilités s’appuie sur une confiance mutuelle et un respect des domaines d’expertise de chacun.
À l’image de leurs utilisateurs majoritairement jeunes, l’équipe Djamo affiche une moyenne d’âge sous les 30 ans et compte plus de 50% de femmes. En quatre ans, l’entreprise est passée d’une poignée d’employés à plus de 250 collaborateurs en 2025, obligeant les fondateurs à adapter leur style de gestion et à déléguer à des managers expérimentés.
Des figures inspirantes de la tech africaine
Le rayonnement de Régis Bamba et Hassan Bourgi a grandi parallèlement à celui de leur startup. Ils sont désormais reconnus comme des figures de proue de la nouvelle vague d’innovateurs africains, régulièrement cités en exemple dans les médias spécialisés et invités dans de nombreux forums internationaux.
Leur réussite a contribué à braquer les projecteurs des investisseurs internationaux sur l’Afrique francophone, longtemps sous-estimée par les fonds de capital-risque. Après Djamo, d’autres startups francophones ont intégré Y Combinator ou levé des fonds significatifs, surfant sur la dynamique enclenchée par cette pionnière.
L’avenir en ligne de mire
Alors que Djamo poursuit son expansion, les deux cofondateurs ne manquent pas de projets. À moyen terme, ils envisagent d’étendre leur modèle à d’autres pays de l’UEMOA, tout en enrichissant leur offre de services de crédit et de micro-investissement pour devenir un véritable “super-app” financier.
Au-delà de leur entreprise, Régis et Hassan s’investissent dans le mentorat de jeunes entrepreneurs, contribuant ainsi au développement de l’écosystème tech africain. Leur parcours illustre parfaitement qu’il est possible d’innover depuis l’Afrique francophone tout en attirant des investisseurs de calibre mondial.
Partis d’une simple frustration personnelle, ces deux entrepreneurs ont su bâtir une fintech qui transforme le quotidien financier de centaines de milliers de personnes. Leur binôme complémentaire – union de l’expertise locale et de la vision internationale – incarne une nouvelle voie pour l’entrepreneuriat africain : celle de bâtir des entreprises à impact en restant fidèle à ses valeurs et à sa culture.
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