Le géant du mobile money s’installe dans la zone CEMAC via un partenariat avec Commercial Bank Cameroon. Une stratégie prudente pour conquérir un marché de 24 300 milliards de FCFA.
Le 11 juin 2025 restera une date marquante pour l’écosystème fintech camerounais. Wave, la startup américaine spécialisée dans les services financiers mobiles, a officiellement lancé ses activités dans le pays, marquant son entrée dans la zone CEMAC. Cette expansion stratégique s’appuie sur un partenariat avec Commercial Bank Cameroon (CBC), révélant une approche méthodique face aux exigences réglementaires de la région.
Une approche réglementaire exemplaire
Contrairement à d’autres marchés africains où Wave s’est déployé de manière plus directe, la région CEMAC impose des contraintes spécifiques. Seules les institutions financières agréées peuvent émettre de l’argent électronique, et toutes les opérations doivent s’effectuer en francs CFA. Cette réglementation stricte, supervisée par la Commission bancaire de l’Afrique centrale (COBAC) et la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), a conduit Wave à adopter une stratégie d’alliance plutôt que d’implantation directe.
Le partenariat avec CBC illustre parfaitement cette approche. La banque camerounaise apporte sa licence bancaire et son réseau physique pour les dépôts et retraits, tandis que Wave déploie son modèle économique low-cost axé sur le numérique. Cette alliance permet à CBC de renforcer son positionnement digital tout en touchant une clientèle traditionnellement exclue du système bancaire classique.
Un marché prometteur mais verrouillé
Les enjeux sont considérables. En 2023, le mobile money représentait près de 24 300 milliards de FCFA de transactions au Cameroun, soit environ 5% du PIB national. Ce marché juteux reste néanmoins sous la domination écrasante de deux acteurs : MTN et Orange détiennent ensemble 88% des parts de marché, constituant un duopole difficile à ébranler.
Wave mise sur son modèle tarifaire disruptif pour percer cette hégémonie. Avec des dépôts et retraits gratuits et des transferts plafonnés à 1% du montant, la fintech propose une alternative économique aux tarifs pratiqués par les opérateurs télécoms. Cette stratégie tarifaire agressive a déjà fait ses preuves dans les six autres pays où Wave est présent : Sénégal, Côte d’Ivoire, Mali, Burkina Faso, Ouganda et Gambie.
Une légitimité continentale affirmée
Les chiffres de Wave parlent d’eux-mêmes. Avec plus de 11 millions d’utilisateurs en 2022 et 20,3 milliards de dollars de transactions traitées, la startup affiche une croissance impressionnante. Sa valorisation actuelle, estimée à environ 1,7 milliard de dollars après une levée de fonds de 200 millions de dollars en série A en 2021, consolide sa position de leader continental du mobile money.
Cette expansion camerounaise s’inscrit dans l’ambition déclarée de Wave de faire de l’Afrique “le premier continent sans cash”. Un objectif ambitieux qui nécessite de s’implanter dans les économies les plus dynamiques du continent, dont le Cameroun fait indéniablement partie.
Des défis de taille à relever
Malgré ses atouts, Wave devra surmonter plusieurs obstacles majeurs. La concurrence locale ne compte pas céder du terrain facilement. MTN et Orange bénéficient d’un ancrage territorial profond et d’une reconnaissance établie auprès des consommateurs camerounais. Leur réaction face à ce nouvel entrant sera déterminante pour l’évolution du marché.
Le cadre réglementaire impose également une vigilance constante. La conformité aux exigences de la BEAC et de la COBAC nécessite une veille juridique permanente et des adaptations continues des services proposés.
Enfin, l’arrivée de ce géant américain suscite des inquiétudes quant à la protection de l’écosystème fintech local. Certains acteurs craignent une marginalisation des structures camerounaises face à la puissance financière et technologique de Wave.
Vers une révolution du paiement mobile ?
L’entrée de Wave pourrait néanmoins catalyser une transformation positive du secteur. La baisse des coûts de transaction devrait bénéficier directement aux consommateurs, particulièrement aux populations rurales et non bancarisées. Cette dynamique concurrentielle pourrait stimuler l’innovation et encourager le développement de services intégrés : financement, assurance, micro-crédit.
L’effet d’entraînement pourrait également attirer d’autres acteurs fintech internationaux, intensifiant la concurrence et enrichissant l’offre de services financiers digitaux au Cameroun.
Le succès de Wave au Cameroun dépendra de sa capacité à adapter son modèle aux spécificités locales tout en préservant ses avantages concurrentiels. Un défi de taille dans un marché où la confiance et la proximité restent des facteurs déterminants pour conquérir les utilisateurs.
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