Palmci : géant ivoirien de l’huile de palme face aux défis de la durabilité

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Filiale phare du groupe SIFCA, Palmci s’impose comme un pilier de l’agro-industrie ivoirienne. Malgré d’excellentes performances financières récentes, l’entreprise doit concilier croissance et exigences environnementales dans un secteur sous surveillance.

Un mastodonte de l’huile de palme en Afrique

Créée en 1997 lors de la privatisation de l’ancienne société d’État Palmindustrie, la Société des Palmes de Côte d’Ivoire (Palmci) revendique aujourd’hui le titre de premier producteur d’huile de palme brute en Afrique. Cette position dominante s’appuie sur un modèle industriel intégré particulièrement ambitieux.

L’entreprise exploite directement 39 000 hectares de plantations industrielles répartis sur huit Unités Agricoles Intégrées, couvrant le Sud-Est et le Sud-Ouest ivoirien. Mais c’est surtout son réseau de partenaires qui impressionne : Palmci encadre quelque 30 000 planteurs privés cultivant plus de 130 000 hectares de vergers villageois. Cette stratégie collaborative permet à l’entreprise de s’approvisionner à 60% auprès de ces petits producteurs, créant un écosystème économique rural de grande envergure.

Des résultats financiers qui défient la volatilité

Les performances récentes de Palmci témoignent de sa capacité à naviguer dans un marché particulièrement instable. Au premier trimestre 2025, l’entreprise a enregistré un chiffre d’affaires de 67,5 milliards de FCFA, soit une progression spectaculaire de 32% par rapport à la même période de l’année précédente. Plus impressionnant encore, le résultat net a bondi de 65% pour atteindre 11,6 milliards de FCFA.

Cette performance contraste avec les difficultés traversées en 2024, où le premier trimestre avait vu le chiffre d’affaires chuter à 51 milliards de FCFA (-21%) sous l’effet de la dégringolade des cours internationaux de l’huile de palme. Cette volatilité illustre parfaitement la dépendance du secteur aux fluctuations des marchés mondiaux, un défi constant pour les acteurs de la filière.

Avec environ 7 500 employés permanents et une production annuelle dépassant les 320 000 tonnes d’huile de palme brute, Palmci s’impose comme un employeur majeur et un contributeur significatif à l’économie ivoirienne. L’entreprise, cotée à la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) depuis 1999, affiche un capital social d’environ 20,4 milliards de FCFA.

Un modèle d’intégration verticale unique

La force de Palmci réside dans son modèle économique parfaitement intégré. L’ensemble de la production d’huile brute est écoulé exclusivement auprès de SANIA, la raffinerie du groupe SIFCA, qui dispose d’une capacité de traitement d’environ 250 000 tonnes par an. Cette intégration verticale garantit des débouchés stables et permet un contrôle qualité optimal de la chaîne de valeur.

L’accompagnement des planteurs villageois constitue un autre pilier de cette stratégie. Palmci fournit des plants améliorés, dispense des formations aux bonnes pratiques agricoles, met en place des systèmes d’épargne planteur et octroie des primes à la qualité. Cette approche collaborative, institutionnalisée par la Journée annuelle du planteur rebaptisée “L’AS de la Palme”, vise à fidéliser les producteurs tout en améliorant les rendements.

Le nouveau directeur général, Lacina Coulibaly, ancien dirigeant de la raffinerie SANIA, a pris les rênes de l’entreprise en janvier 2024. Sa nomination illustre la volonté de renforcer les synergies au sein du groupe SIFCA.

Des controverses environnementales et sociales persistantes

Malgré ses certifications ISO (14001, 9001, 45001) et sa politique “Zéro déforestation” mise en place depuis 2017, Palmci fait face à des critiques récurrentes concernant son impact environnemental et social. Les ONG et certaines communautés locales dénoncent les conséquences de l’expansion des plantations sur l’écosystème local.

Le cas du village de YapoKro, dans le département d’Aboisso, illustre ces tensions. Les habitants rapportent que l’expansion des palmeraies aurait tari les sources d’eau traditionnelles, obligeant l’entreprise à approvisionner la communauté par camions-citernes. L’eau fournie serait souvent jugée impure et insuffisante par les populations locales.

Les plantations industrielles auraient également limité l’accès aux forêts traditionnelles, privant les femmes de ressources naturelles essentielles à leurs activités économiques, notamment la production d’huile artisanale. Ces restrictions ont généré des tensions, certaines villageoises ayant été interpellées pour cueillette sur les terres à palmiers.

Sur le plan économique, la fixation du prix bord-champ par Palmci suscite des inquiétudes chez les petits planteurs. Établi à environ 65 000 FCFA la tonne en janvier 2024, ce prix reste soumis aux fluctuations des cours mondiaux, créant une incertitude permanente pour les producteurs.

L’innovation au service de la durabilité

Face à ces défis, Palmci mise sur l’innovation pour réconcilier productivité et durabilité. En janvier 2025, l’entreprise a signé avec l’État ivoirien un protocole ambitieux pour reconstituer une agro-forêt dans la réserve classée du Cavally-Mont-Sinté. Ce projet de 25 milliards de FCFA vise à réhabiliter 10 000 hectares de forêt dégradée en développant une agro-forêt mixte alliant palmiers et essences forestières.

La transition énergétique représente un autre axe stratégique majeur. Palmci participe activement au projet de construction de la plus grande centrale électrique biomasse d’Afrique de l’Ouest à Toumanguié, d’une puissance de 46 MW. L’entreprise fournira environ 25% des pétioles nécessaires au fonctionnement de cette installation, les 75% restants étant collectés auprès de 12 000 planteurs villageois. Cette centrale, prévue pour être opérationnelle fin 2025, créera 1 000 emplois locaux tout en valorisant un sous-produit agricole jusqu’alors sous-exploité.

Défis et perspectives d’avenir

L’avenir de Palmci se dessine autour de plusieurs enjeux cruciaux. L’entreprise doit poursuivre sa modernisation tout en répondant aux exigences croissantes de durabilité imposées par les marchés internationaux, notamment européens. La pression pour une huile de palme certifiée durable s’intensifie, obligeant l’entreprise à renforcer sa traçabilité et à obtenir des labels reconnus comme la certification RSPO.

La diversification des débouchés constitue également un défi stratégique. Au-delà de l’alimentation, Palmci explore les applications industrielles de ses produits et coproduits, notamment dans la cosmétique et la chimie verte.

Dans un contexte où la demande ouest-africaine d’huile végétale ne cesse de croître, Palmci demeure un acteur incontournable de la souveraineté alimentaire ivoirienne. Son succès futur dépendra largement de sa capacité à maintenir cet équilibre délicat entre performance économique, responsabilité environnementale et acceptabilité sociale. Les investissements engagés dans l’agroforesterie et l’énergie renouvelable témoignent d’une prise de conscience des enjeux, reste à démontrer leur efficacité sur le terrain.


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