Avec l’ambition d’atteindre 45% d’énergies renouvelables dans son mix électrique d’ici 2030, la Côte d’Ivoire s’impose comme un pionnier de la transition énergétique en Afrique de l’Ouest. Entre grands projets structurants et innovations locales, le pays mise sur la croissance verte pour consolider son leadership économique régional.
Face aux défis du changement climatique et à la nécessité de préserver son capital naturel, la Côte d’Ivoire a fait de la transition énergétique un pilier stratégique de son développement. Cette ambition, portée au plus haut niveau de l’État, se traduit par des objectifs ambitieux et des réalisations concrètes qui positionnent le pays comme un acteur incontournable de la révolution verte ouest-africaine.
Un cadre stratégique volontariste
L’engagement ivoirien repose sur une architecture institutionnelle solide. Le Plan National de Développement 2021-2025 consacre un chapitre entier à l’économie verte, tandis que la Contribution Déterminée au niveau National, actualisée lors des dernières COP, fixe une réduction de 30% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. L’objectif phare reste l’intégration de 45% d’énergies renouvelables dans le mix électrique national, un seuil rehaussé depuis la COP27 qui témoigne de l’ambition croissante du pays.
Pour orchestrer cette transformation, un Conseil National sur le Changement Climatique assure la coordination intersectorielle, épaulé par un Secrétariat d’État dédié créé en 2021. Cette volonté politique s’est également matérialisée par le lancement de l’initiative “Côte d’Ivoire Vert 2030”, annoncée lors de la COP28, qui inclut un plan de reboisement de 3 millions d’hectares pour restaurer une couverture forestière tombée sous les 10%.
Des projets phares qui portent leurs fruits
Sur le terrain, les premières réalisations valident la pertinence de cette stratégie. La centrale solaire de Boundiali, première du genre avec ses 37,5 MW, symbolise cette réussite. Réalisée grâce à un partenariat avec l’Union européenne, la KfW et la Banque Européenne d’Investissement pour 75,6 millions d’euros, elle démontre la faisabilité du solaire à grande échelle. Fort de ce succès, l’État a déjà contractualisé une seconde centrale de 52 MW dans le nord du pays, soutenue par la Banque africaine de développement et l’Agence française de développement.
Le secteur biomasse n’est pas en reste avec la centrale Biovéa d’Aboisso (46 MW), qui utilise des résidus de palmier à huile. Ce projet de 200 millions de dollars, porté par un partenariat public-privé entre EDF, Meridiam et Biokala, sera la plus grande centrale biomasse d’Afrique de l’Ouest une fois opérationnelle. Elle alimentera 1,7 million de personnes tout en créant un marché pour 12 000 planteurs locaux.
L’écosystème des bailleurs internationaux accompagne massivement cette dynamique. La Banque africaine de développement a mobilisé 50 millions d’euros pour plusieurs centrales solaires, tandis que l’Union européenne a débloqué 15 millions d’euros en 2023 pour l’électrification rurale par mini-réseaux solaires dans 20 localités isolées. Cette convergence de financements témoigne de la crédibilité du projet ivoirien aux yeux des partenaires internationaux.
L’innovation financière au service de la transition
Consciente des enjeux capitalistiques, la Côte d’Ivoire diversifie ses sources de financement. Le Fonds d’investissement pour la croissance verte, annoncé lors de la COP27, vise à lever 500 millions de dollars auprès de partenaires publics et privés pour co-investir dans les énergies renouvelables, l’agroforesterie et le transport propre.
Les obligations vertes émergent comme un instrument prometteur. Après la première émission de l’UEMOA en 2021 (15 milliards FCFA par un promoteur privé), l’État envisage ses propres euro-obligations vertes pour financer des projets structurants comme le métro électrique d’Abidjan. La BOAD a ouvert la voie avec un emprunt obligataire “vert et durable” de 750 millions d’euros, dont une partie bénéficiera à la Côte d’Ivoire.
Cette diversification s’accompagne d’innovations sectorielles, comme l’émission de sukuks verts par un groupe agro-industriel pour remplacer ses chaudières au fioul par des alternatives biomasse, illustrant l’appropriation progressive des enjeux ESG par le secteur privé local.
Un écosystème entrepreneurial en émergence
La transition énergétique stimule l’innovation locale avec l’émergence de startups spécialisées. Solarpak développe des kits solaires de pompage pour l’irrigation agricole, tandis que MonJobElec met en relation techniciens qualifiés et clients pour les installations photovoltaïques. Dans la gestion des déchets, Coliba collecte les plastiques pour recyclage et explore la pyrolyse, et Lono transforme les déchets agroalimentaires en biogaz et engrais organiques.
Ces jeunes pousses bénéficient d’un écosystème de soutien renforcé, avec l’incubateur public Incub’Ivoir qui a lancé un programme cleantech en 2022. Les succès internationaux se multiplient, plusieurs entrepreneurs ivoiriens ayant remporté des prix prestigieux comme le Challenge Startupper ou le Zayed Sustainability Prize.
Des défis à relever pour une transition réussie
Malgré ces avancées prometteuses, plusieurs obstacles demeurent. Sur le plan réglementaire, l’attente de textes d’application cruciaux, comme le décret sur l’autoproduction d’électricité renouvelable, freine l’essor du solaire privé. L’instauration de tarifs de rachat compétitifs et la régulation des mini-grids ruraux nécessitent encore des arbitrages fins.
Le défi technologique de l’intégration massive de renouvelables intermittents questionne la stabilité du réseau. L’expérience de Boundiali, équipée de 10 MW de batteries, servira de référence pour les investissements futurs en stockage. Le développement des interconnexions régionales apparaît comme une solution prometteuse pour mutualiser les réserves et lisser la variabilité.
La dimension sociale reste cruciale pour l’acceptation de la transition. La sensibilisation aux gestes d’efficacité énergétique, la promotion des emplois verts auprès de la jeunesse et la prise en compte des usages traditionnels des terres dans les projets solaires conditionnent le succès à long terme.
Un leadership régional en construction
L’accueil des Assemblées annuelles 2025 de la BAD sous le thème de la croissance verte confirme la reconnaissance internationale de l’engagement ivoirien. Cette transition énergétique s’inscrit dans une approche holistique combinant lutte contre la déforestation, amélioration de la gestion des déchets et protection des ressources hydriques.
La Côte d’Ivoire semble avoir intégré que son leadership économique régional futur dépendra de sa capacité à être un pionnier du développement durable. Les investissements verts en cours, soutenus par un appui international massif et un secteur privé local dynamique, tracent une voie prometteuse. Reste à maintenir l’effort sur la décennie à venir pour transformer durablement le mix énergétique et les pratiques de production-consommation, enjeu décisif pour concilier croissance et responsabilité écologique.
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