CIDT : Une renaissance sous pavillon privé après des décennies de turbulences

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La Compagnie Ivoirienne pour le Développement des Textiles (CIDT) traverse une phase de restructuration profonde depuis sa privatisation en 2017. Entre modernisation industrielle et défis climatiques, l’ancienne entreprise publique cherche à retrouver sa place sur un marché cotonnier ivoirien en pleine recomposition.

Cinquante ans après sa création en 1974, la CIDT incarne les mutations du secteur cotonnier ivoirien. Née de la volonté étatique de développer la culture du coton dans le centre et le nord du pays, l’entreprise a longtemps bénéficié d’un monopole public qui lui a permis de jouer un rôle crucial dans la réduction des inégalités régionales entre le Sud cacaoyer et le Nord cotonnier.

De la libéralisation aux difficultés structurelles

Le tournant des années 1990 a marqué le début d’une libéralisation progressive du secteur. Partiellement privatisée en 1988 selon la FAO, puis totalement libéralisée en 1998, la CIDT est devenue société d’économie mixte avec 70% de parts étatiques et 30% détenues par la CFDT française.

Cette période de transition s’est révélée particulièrement éprouvante. La crise politico-militaire déclenchée en 2002 a provoqué un effondrement de la production, entraînant des pertes considérables et une dette estimée à 29 milliards de francs CFA fin 2007. À cette époque, la CIDT ne traitait plus que 26 000 tonnes de coton-graine, loin de sa capacité nominale de 120 000 tonnes.

Un nouveau souffle sous direction privée

Le processus de privatisation, relancé en 2016, a abouti à une restructuration majeure. En novembre 2016, le gouvernement a cédé 90% du capital de la CIDT à la Compagnie Ivoirienne de Coton (COIC), dirigée par l’investisseur ivoirien Daouda Koné Soukpafolo. L’État ne conserve désormais qu’une participation minoritaire de 10%.

Cette nouvelle gouvernance, formalisée en janvier 2017, vise à redonner de la compétitivité à l’entreprise. Sous la direction générale de René Silué, la CIDT a engagé un plan de modernisation ambitieux soutenu par des financements internationaux. En juin 2022, la Société Financière Internationale (IFC) et le GAFSP ont accordé un prêt de 15,4 millions d’euros pour moderniser les installations et intégrer davantage de cultivateurs dans le réseau.

Des performances en dents de scie

Les résultats récents illustrent la volatilité du secteur. La campagne 2022-2023 s’est révélée catastrophique avec seulement 31 749 tonnes de coton-graine produites, soit une chute de 71% par rapport aux 110 707 tonnes de 2021-2022. Cette débâcle résulte d’une forte infestation de punaises “jassides” et de pluies irrégulières qui ont affecté les 75 184 hectares encadrés par l’entreprise.

Paradoxalement, cette baisse de volume n’a pas empêché la CIDT de maintenir un chiffre d’affaires élevé de 75,87 milliards de francs CFA en 2022, en hausse de 5% sur 2021. Cette performance s’explique par la hausse du prix de vente moyen de la fibre, passé de 905 à 1 033 francs CFA le kilogramme, et par le déstockage de 10,2 milliards de francs CFA de coton conservé.

Sur le plan financier, l’exercice 2022 s’est soldé par un résultat net positif de 1,77 milliard de francs CFA, en recul toutefois par rapport aux 5,21 milliards de 2021. Les 23 004 producteurs encadrés ont néanmoins perçu environ 10 milliards de francs CFA de revenus.

Un positionnement concurrentiel fragile

Avec ses quatre usines d’égrenage à Bouaké, Séguéla, Mankono et Tiéningboué, la CIDT dispose d’une capacité théorique de 130 000 tonnes par an. Elle emploie environ 1 375 personnes, dont 309 permanents et 1 066 saisonniers.

Cependant, sa position sur le marché ivoirien reste précaire face à ses principaux concurrents. La Société Ivoirienne de Coton (Ivoire Coton/SIFCA) et la COIC affichent des capacités supérieures de 170 000 et 180 000 tonnes respectivement. En 2023-2024, Ivoire Coton a ainsi produit 142 106 tonnes contre 84 473 tonnes pour la COIC, plaçant la CIDT en troisième position des acteurs nationaux.

Ambitions et défis à venir

La stratégie de redressement de la CIDT repose sur plusieurs axes. L’entreprise prévoit de construire une nouvelle usine à Tiéningboué et envisage une diversification vers la production et la transformation du riz. Plus ambitieux encore, elle participe à un consortium international mené par le groupe kenyan Aryan United pour développer une filière textile intégrée représentant un investissement de 310 millions d’euros.

Ces projets s’inscrivent dans un contexte où le coton demeure stratégique pour l’économie ivoirienne. La filière concerne 3,5 millions de ruraux et représente le quatrième produit agricole d’exportation avec 7% des recettes export du pays.

Néanmoins, les défis restent nombreux. La volatilité des cours mondiaux, la sensibilité aux aléas climatiques et parasitaires, ainsi que l’héritage d’endettement constituent autant d’obstacles à surmonter. Dans un secteur où les géants maliens (CMDT) et burkinabè (Sofitex) traitent des centaines de milliers de tonnes annuellement, la CIDT doit encore prouver sa capacité à retrouver durablement une trajectoire de croissance.

La réussite de cette renaissance privée conditionnera non seulement l’avenir de l’entreprise, mais aussi celui de dizaines de milliers de producteurs du nord ivoirien qui dépendent de cette filière historique.


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