Fatim Cissé : La pionnière qui réinvente la tech africaine

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À 42 ans, cette pionnière de l’IA en Afrique de l’Ouest incarne une nouvelle génération d’entrepreneurs africains qui façonnent l’avenir technologique du continent. Entre leadership féminin et innovation locale, retour sur un parcours d’exception.

Dans l’effervescence du quartier du Plateau à Abidjan, les bureaux de Dux Group bourdonnent d’activité. Au cœur de cette ruche technologique, Fatim Cissé orchestre sa vision : faire de l’intelligence artificielle un levier de développement pour l’Afrique. Cette femme d’affaires de 42 ans, première Ivoirienne diplômée en IA, a bâti en quelques années un empire numérique qui rayonne bien au-delà des frontières nationales.

De Montréal à la Silicon Valley, une formation d’excellence

Née le 31 mars 1983 à Abidjan, Fatim Cissé trace très tôt sa route vers l’excellence. Après un baccalauréat ES obtenu en 2000, elle s’envole pour le Canada où elle décroche un Bachelor en sciences économiques à l’Université de Montréal en 2004, puis un Master en ressources humaines et management à HEC Montréal en 2010. Mais c’est en 2019 qu’elle franchit un cap historique en devenant la première Ivoirienne à décrocher l’Executive Program en intelligence artificielle de la prestigieuse Singularity University, sur le campus de la NASA en Silicon Valley.

Cette formation de pointe, complétée par le Senior Executive Program de Harvard Business School en 2016, forge chez elle une vision unique : celle d’une Africaine maîtrisant les technologies les plus avancées, prête à les adapter aux réalités de son continent.

Un parcours corporate international avant le grand saut

Avant de révolutionner la tech africaine, Fatim Cissé gravit méthodiquement les échelons dans de grandes multinationales. De 2005 à 2011, elle évolue au Canada chez Hewitt & Associates, Quintiles et Centennial Marketing Group, se spécialisant dans les ressources humaines. Son retour en Côte d’Ivoire en 2011 marque un tournant : elle prend la direction des RH chez Ericsson Côte d’Ivoire, supervisant aussi les filiales béninoise et togolaise, avant de rejoindre IHS Towers en 2013 comme directrice des ressources humaines.

Ces années lui permettent de s’aguerrir dans des environnements majoritairement masculins et de développer cette résilience qui la caractérise aujourd’hui. En 2020, elle devient d’ailleurs la première femme à occuper le poste de Directrice Générale d’IHS Towers Côte d’Ivoire, preuve de sa capacité à briser les plafonds de verre.

Dux Group : quand l’IA rencontre les défis africains

Le véritable coup de maître de Fatim Cissé survient en 2018 avec la création de Dux Group. Cette entreprise spécialisée dans l’intelligence artificielle ne se contente pas d’importer des solutions toutes faites : elle développe des applications sur mesure pour résoudre des problématiques locales. L’approche est pragmatique et ancrée dans le contexte africain.

Formations pointues en IA, cybersécurité et data science d’un côté, développement d’applications personnalisées de l’autre : Dux Group se positionne comme un pont entre les technologies d’avenir et les besoins concrets des entreprises africaines. Le succès de cette stratégie se mesure à travers des partenariats de premier plan, comme le co-développement avec la Banque Nationale d’Investissement de Côte d’Ivoire d’une solution innovante d’affacturage numérique baptisée Creallia.

L’expansion internationale ne tarde pas. Fin 2023, un partenariat stratégique avec la start-up française Videtics donne naissance à Videtics West Africa, une co-entreprise dédiée à l’analyse vidéo par IA en Afrique de l’Ouest. Un signal fort : l’expertise africaine commence à s’exporter et à peser sur la scène technologique mondiale.

Une militante de l’inclusion technologique

Au-delà de ses succès entrepreneuriaux, Fatim Cissé endosse le rôle de militante pour l’inclusion dans la tech. Convaincue qu’aucune organisation n’échappera à la révolution de l’IA, elle multiplie les initiatives de sensibilisation. Interventions médiatiques, séminaires dans les universités, mentorat de jeunes talents : elle met son expertise au service du plus grand nombre.

Son message est clair : l’Afrique doit s’approprier ces technologies plutôt que de les subir. Elle dénonce même une forme de “néocolonialisme technologique” qui maintient le continent dans la dépendance, tout en prônant une solution : la formation massive des compétences locales et le développement de partenariats stratégiques.

Une reconnaissance internationale

Les réalisations de Fatim Cissé n’ont pas tardé à être saluées. Chevalier de l’Ordre National de Côte d’Ivoire à 36 ans, listée parmi les 80 femmes africaines les plus influentes en IA par African Shapers, intégrée au prestigieux classement Choiseul 100 Africa des jeunes leaders économiques africains de moins de 40 ans : les distinctions s’accumulent.

Le point d’orgue arrive en 2023 avec le Prix National d’Excellence pour la meilleure initiative féminine dans le numérique, remis par le Chef de l’État ivoirien. Une consécration qui salue non seulement ses réussites techniques, mais aussi son rôle de modèle pour toute une génération de jeunes femmes africaines tentées par les carrières scientifiques.

L’Afrique “bionique” de demain

Celle qui aime se définir comme “une Africaine bionique” porte une vision ambitieuse pour son continent. Pour elle, l’intelligence artificielle représente un potentiel énorme pour améliorer les services publics africains et permettre des sauts qualitatifs dans des secteurs clés comme la santé, l’éducation ou l’agriculture.

Cette vision s’accompagne d’un leadership décomplexé qui s’appuie sur les talents locaux et une connaissance fine du terrain africain. Sa philosophie du management ? “Faites vos propres choix et assumez-les. N’ayez pas peur d’échouer ou d’apprendre de nouvelles choses.” Un discours qui résonne particulièrement auprès de la jeunesse africaine.

Un modèle de résilience

Le parcours de Fatim Cissé illustre parfaitement les défis auxquels font face les femmes entrepreneures en Afrique. Souvent seule femme dans les comités de direction, elle a dû s’imposer dans un milieu sceptique face à la légitimité d’une jeune Africaine à exceller en intelligence artificielle. Ces obstacles, elle les a transformés en leviers de motivation, développant cette résilience qui fait sa force aujourd’hui.

Son double rôle de CEO de Dux et de Directrice Générale d’IHS Towers Côte d’Ivoire lui permet d’agir sur toute la chaîne de valeur du digital, des infrastructures télécoms jusqu’aux applications les plus sophistiquées. Une position unique qui maximise son impact sur l’écosystème technologique ivoirien.

L’effet catalyseur

L’influence de Fatim Cissé dépasse largement le cadre de ses entreprises. En Côte d’Ivoire, elle a contribué à structurer l’écosystème tech naissant et sensibilisé de nombreux décideurs à l’urgence du virage digital. Ses équipes emploient des jeunes talents locaux, ses solutions apportent des réponses inédites à des problèmes concrets, stimulant l’innovation “made in Côte d’Ivoire”.

Plus largement, elle incarne cette nouvelle génération de leaders africains qui voient la technologie non comme un luxe, mais comme un levier incontournable du développement et de la souveraineté continentale. Un message d’espoir qui résonne déjà chez ceux qui suivent ses traces.

En quinze ans, Fatim Cissé est passée du statut de jeune diplômée ambitieuse à celui de figure emblématique de la tech africaine. Son parcours démontre que l’Afrique peut innover, former ses propres experts et voir ses femmes occuper pleinement leur place dans l’économie numérique. Une trajectoire qui, au-delà de son succès personnel, trace la voie d’un futur où le continent africain comptera parmi les acteurs majeurs de la révolution technologique mondiale.


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