CÉMOI en Côte d’Ivoire : fer de lance de la transformation locale du cacao

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Dans un pays qui fournit près de 40% de la production mondiale de cacao, la transformation locale reste un défi majeur. Si la Côte d’Ivoire domine le marché mondial des fèves, elle peine encore à capter l’essentiel de la valeur ajoutée d’une filière estimée à plus de 100 milliards de dollars. Au cœur de cette équation, le groupe français CÉMOI s’affirme comme un acteur stratégique dans la montée en puissance industrielle du premier producteur mondial de l’or brun.

Un ancrage historique devenu stratégique

L’aventure ivoirienne de CÉMOI débute dans les années 1970, lorsque le chocolatier français commence à sélectionner les meilleures fèves du pays. Mais c’est en 1996 que l’entreprise marque un tournant décisif en implantant une usine de transformation à Abidjan. “Cette décision témoignait déjà d’une vision à long terme sur le potentiel de transformation locale”, confie une source proche de la direction.

Aujourd’hui, cette installation emploie environ 340 collaborateurs en CDI et s’est imposée comme une pièce maîtresse du dispositif industriel du groupe en Afrique. Avec un chiffre d’affaires estimé à 230 millions d’euros par an en Côte d’Ivoire, CÉMOI s’est hissé au rang de deuxième acteur du secteur dans le pays, derrière le géant suisse Barry Callebaut.

“Notre stratégie repose sur une approche intégrée de la filière”, expliquait récemment Patrick Poirrier, PDG du groupe, lors d’une conférence sectorielle à Abidjan. Cette vision “de la fève à la tablette” se traduit par une maîtrise complète du processus de production, depuis l’approvisionnement jusqu’à la commercialisation de produits finis.

Une capacité industrielle en expansion

Le site d’Abidjan transforme désormais près de 100 000 tonnes de fèves annuellement, ce qui représente environ 3% du marché national. Un volume significatif qui positionne l’entreprise comme un acteur incontournable de la transformation locale. Les 8 millions d’euros investis dans la chocolaterie d’Abidjan ont permis l’installation de deux lignes de production modernes, dédiées aux tablettes de chocolat et aux pâtes à tartiner.

La gamme de produits fabriqués localement s’est considérablement élargie, avec des tablettes, des pâtes à tartiner et du cacao en poudre qui trouvent des débouchés tant sur le marché domestique que dans 16 pays d’Afrique de l’Ouest. Cette diversification répond à une stratégie d’adaptation aux goûts locaux tout en participant à l’éducation d’un marché encore peu familier avec la consommation de chocolat.

“Le défi consiste à développer des produits adaptés au pouvoir d’achat local tout en maintenant des standards de qualité élevés”, analyse Mamadou Koné, expert du secteur cacaoyer et consultant auprès de plusieurs institutions internationales. “CÉMOI a su trouver un équilibre qui lui permet de se positionner sur différents segments de marché.”

Une stratégie de durabilité ambitieuse

Au-delà de sa dimension industrielle, CÉMOI a développé une approche holistique qui intègre les enjeux de durabilité et de responsabilité sociale. Le programme “Transparence Cacao”, lancé il y a plusieurs années, illustre cette démarche. L’entreprise assure désormais une traçabilité complète de sa chaîne d’approvisionnement, en cartographiant par GPS les plantations et en garantissant le suivi du cacao jusqu’aux produits finis.

Cette initiative implique une collaboration étroite avec près de 60 000 planteurs ivoiriens, créant ainsi un écosystème qui dépasse le simple cadre commercial. “Nous ne sommes pas simplement acheteurs de cacao, mais partenaires des producteurs dans une logique de développement partagé”, soulignait un cadre dirigeant du groupe lors d’un récent forum sur l’agriculture durable à Abidjan.

L’entreprise participe également à l’Initiative Cacao et Forêts, un programme ambitieux visant à lutter contre la déforestation liée à la culture du cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana. Cet engagement a été reconnu par Bureau Veritas, qui a délivré à CÉMOI une attestation de reconnaissance pour sa norme de cacao durable au niveau “Préférence”.

“Les exigences des consommateurs européens en matière de durabilité et de traçabilité ont poussé les acteurs comme CÉMOI à repenser leurs pratiques”, observe Jeanne Kouassi, chercheuse à l’Institut d’Économie Agricole d’Abidjan. “Cette transformation est devenue un avantage concurrentiel sur les marchés internationaux.”

Des défis persistants dans un secteur en mutation

Malgré ces avancées, le groupe français doit faire face à plusieurs défis majeurs. La concurrence s’intensifie avec l’arrivée de nouveaux acteurs et le renforcement des transformateurs établis comme Barry Callebaut et Olam. Cette pression concurrentielle s’accompagne d’exigences réglementaires croissantes, notamment avec l’entrée en vigueur des réglementations européennes sur la déforestation.

Par ailleurs, le développement du marché local du chocolat reste un enjeu crucial. “La consommation de chocolat en Côte d’Ivoire et dans la sous-région demeure limitée, avec moins de 500 grammes par habitant et par an, contre plus de 7 kg en France”, rappelle un rapport récent du Centre de Promotion des Investissements en Côte d’Ivoire (CEPICI).

L’instabilité des cours mondiaux du cacao constitue également un facteur d’incertitude. Les récentes hausses des prix, si elles peuvent sembler favorables aux producteurs à court terme, compliquent les stratégies d’approvisionnement des transformateurs et pourraient accélérer la recherche d’alternatives au cacao naturel.

Perspectives et ambitions futures

Face à ces défis, CÉMOI semble déterminé à poursuivre sa stratégie d’ancrage local et d’innovation. Le groupe envisagerait de nouveaux investissements pour augmenter ses capacités de transformation et diversifier davantage sa gamme de produits finis.

“Le modèle CÉMOI illustre parfaitement la transition que nous souhaitons opérer dans notre économie cacaoyère”, affirme un haut fonctionnaire du ministère ivoirien de l’Agriculture. “Passer de l’exportation de matières premières à la production locale de produits à forte valeur ajoutée.”

Dans un contexte où la Côte d’Ivoire ambitionne de transformer localement 50% de sa production de cacao d’ici 2030, contre environ 35% actuellement, le positionnement de CÉMOI apparaît comme un atout stratégique pour le pays. L’entreprise française, devenue un acteur incontournable de l’industrie cacaoyère ivoirienne, incarne ainsi les espoirs d’une filière en pleine mutation, cherchant à concilier performance économique, équité sociale et responsabilité environnementale.


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