En 2017, STANE ASSURANCES SA s’annonçait comme la révolution de l’assurance en Côte d’Ivoire. Cinq ans plus tard, l’entreprise disparaissait suite à un retrait d’agrément, laissant des milliers de clients sans couverture. Voici l’histoire d’un projet visionnaire, porté par l’audace d’un entrepreneur et de ses associés, dont l’épopée rappelle les risques – mais aussi la noblesse – de l’innovation en terre africaine.
Genèse d’une vision disruptive
L’aventure débute au début des années 2010, lorsque Serge Pokou, ingénieur en assurance diplômé de l’Institut Polytechnique de Yamoussoukro, décide avec des associés de s’attaquer à un problème de fond : plus de 90 % de la population ivoirienne est exclue des circuits traditionnels d’assurance. Ils y voient une opportunité à la fois sociale et entrepreneuriale.
Leur première réponse à cette problématique prend la forme d’Austin Seporini, une startup spécialisée dans le développement de logiciels de gestion pour les compagnies d’assurance. Forts de cette première expérience, ils lancent en 2014 STANE International, avec une solution numérique innovante destinée aux mutuelles, notamment dans la gestion des couvertures santé.
Cette plateforme rencontre un franc succès. Elle gère notamment une mutuelle de santé regroupant les employés de plusieurs entreprises. Son efficacité attire l’attention des acteurs du secteur et pousse l’équipe fondatrice à initier les démarches en vue d’un agrément officiel pour opérer comme compagnie d’assurance.
L’émergence d’une assurtech ambitieuse
Le 1er juillet 2017 marque la naissance de STANE ASSURANCES SA, avec un capital d’un milliard de FCFA. L’entreprise entend être la première assurtech de Côte d’Ivoire. Sa promesse est claire : digitaliser l’expérience client de bout en bout, grâce à une application mobile baptisée Stane Selfcare.
Avec une offre orientée vers des produits simples, accessibles et modernes, STANE séduit une clientèle jeune, urbaine et connectée. Elle ambitionne de “réconcilier les populations avec l’assurance”, un objectif noble dans un secteur souvent perçu comme opaque ou inaccessible.
Son approche innovante et inclusive attire l’attention des médias et des forums Insurtech. Serge Pokou devient une figure respectée dans l’écosystème entrepreneurial ivoirien, salué pour son audace et sa volonté de faire bouger les lignes.
Une expansion rapide, pleine de promesses
Dans l’enthousiasme des premiers succès, STANE adopte une stratégie d’expansion rapide. Une filiale voit le jour au Mali (Stane Lakanan), et l’entreprise déploie une gamme étendue de produits : santé, automobile, habitation, caution…
Ce positionnement vise à démocratiser l’assurance pour tous, avec des tarifs compétitifs. Mais cette croissance rapide nécessite un encadrement financier et opérationnel rigoureux – un défi majeur pour toute startup innovante dans un secteur aussi encadré.
Les défis de la structuration et du modèle économique
Comme beaucoup d’initiatives disruptives, STANE se heurte à la réalité d’un secteur hautement réglementé, exigeant en matière de capitalisation, de provisionnement et de gouvernance. Malgré la qualité de sa vision, l’entreprise peine à aligner croissance, innovation et exigences réglementaires.
Des difficultés de trésorerie apparaissent, affectant les relations avec certains prestataires et partenaires. Dans un secteur comme l’assurance, où la confiance est primordiale, la moindre faille peut avoir des répercussions importantes.
Le couperet réglementaire et la fin d’une aventure
En octobre 2019, la Commission Régionale de Contrôle des Assurances (CRCA) retire l’agrément de STANE ASSURANCES SA, invoquant divers manquements réglementaires. En juin 2020, le Tribunal de Commerce d’Abidjan prononce la liquidation judiciaire de l’entreprise.
Pour les observateurs, cette issue souligne la complexité de transformer un projet disruptif en succès durable, surtout dans un secteur à forte intensité capitalistique et sous surveillance stricte.
Serge Pokou : un innovateur face aux réalités du terrain
Serge Pokou restera comme un entrepreneur audacieux, dont l’ambition était de faire de l’assurance un droit accessible pour tous. Il a osé innover là où peu l’auraient tenté, bousculant les habitudes d’un secteur conservateur.
Comme souvent dans les parcours de pionniers, les échecs ponctuent le chemin. Mais ce sont aussi ces échecs qui nourrissent les prochaines générations d’innovateurs africains. STANE, par son audace, a pavé la voie pour d’autres startups du secteur.
Cinq leçons pour l’avenir des assurtechs africaines
L’expérience STANE ASSURANCES enseigne plusieurs vérités essentielles :
- L’innovation est précieuse, mais doit être encadrée.
- La croissance doit aller de pair avec une gestion rigoureuse.
- La gouvernance d’entreprise n’est pas une option.
- Le respect du cadre réglementaire est non négociable.
- L’impact durable exige de la patience et de la résilience.
Depuis la liquidation de STANE, Serge Pokou est resté discret. Mais son nom demeure associé à l’une des tentatives les plus marquantes de réinventer l’assurance en Afrique de l’Ouest.
Loin d’un échec ordinaire, l’histoire de STANE ASSURANCES SA illustre la difficulté – mais aussi la noblesse – de ceux qui osent défier les conventions pour faire émerger un nouveau modèle. À l’heure où les assurtechs fleurissent sur le continent, cette aventure reste une référence incontournable.
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