L’entreprise publique double sa capacité de broyage avec l’inauguration du complexe PK 24, dans le cadre de l’objectif national de transformer 100% du cacao d’ici 2030
Premier producteur mondial de cacao avec plus de 40% de l’offre globale, la Côte d’Ivoire ne se contente plus d’exporter ses fèves brutes. Depuis 2019, Transcao (Société de transformation du cacao) porte l’ambition gouvernementale de remonter la chaîne de valeur et de défier la domination des multinationales étrangères sur la première transformation.
Un investissement colossal pour doubler les capacités
Le 26 juin dernier, en présence du Vice-Président Tiémoko Meyliet Koné, Transcao a inauguré son nouveau complexe industriel PK 24 dans la zone d’Akoupé Zeudji, près d’Abidjan. Ce projet de 130 milliards de francs CFA (235 millions USD) s’étend sur 21 hectares et comprend une usine de broyage de 50 000 tonnes par an, un entrepôt de stockage de 160 000 tonnes et un centre de formation dédié aux métiers du cacao.
Cette nouvelle infrastructure double la capacité totale de Transcao, qui atteint désormais 100 000 tonnes annuelles en combinant le site PK 24 et l’unité existante de San Pedro. Mais l’ambition ne s’arrête pas là : l’entreprise publique vise 210 000 tonnes d’ici deux ans, soit plus du double de sa capacité actuelle.
La stratégie de souveraineté économique en marche
Ces investissements massifs s’inscrivent dans une vision politique claire énoncée dans le Plan National de Développement 2021-2025 : transformer 100% du cacao ivoirien d’ici 2030. Un objectif audacieux quand on sait que la Côte d’Ivoire exporte encore massivement ses fèves brutes, laissant échapper une valeur ajoutée considérable.
Les chiffres de 2023 illustrent parfaitement cet enjeu : l’exportation de 1,34 million de tonnes de cacao brut a généré 2 000 milliards de francs CFA, tandis que 648 000 tonnes de cacao transformé ont rapporté 1 500 milliards de francs CFA. La transformation locale permet donc de doubler quasiment la valeur par tonne exportée.
Face aux géants mondiaux comme Cargill, Barry Callebaut ou Olam qui dominent traditionnellement ce segment, Transcao représente la principale riposte publique ivoirienne. L’entreprise, créée par le Conseil du Café-Cacao, s’appuie sur une infrastructure d’amont solide avec 9 centres d’achats et 10 magasins de collecte primaire répartis dans les zones de production.
Un modèle économique au service des producteurs
Au-delà de la capture de valeur ajoutée, Transcao se positionne comme un “outil de développement pour les agriculteurs”. L’entreprise garantit un prix rémunérateur aux producteurs via sa filiale Transcao Négoce S.A.U. et a introduit la “carte du producteur” pour sécuriser les transactions et assurer le paiement effectif du prix bord champ fixé par l’État à 1000 FCFA pour le cacao.
Cette approche sociale se traduit déjà par des résultats concrets : plus de 1 400 emplois créés (300 directs et 1000 indirects selon les données disponibles), s’inscrivant dans l’objectif national de création de 4 millions d’emplois d’ici 2025. Le secteur de la transformation des matières premières pourrait à lui seul générer 40 000 à 65 000 emplois d’ici 2030.
Les défis de la durabilité comme levier concurrentiel
Consciente des enjeux environnementaux et sociaux qui menacent l’accès aux marchés internationaux, Transcao a rejoint l’International Cocoa Initiative (ICI) en avril 2024 et obtenu la certification RainForest Alliance. Ces démarches visent à lutter contre la déforestation et le travail des enfants, deux fléaux qui pèsent sur l’image du cacao ivoirien.
Cette stratégie préventive transforme des contraintes réglementaires en avantages concurrentiels, particulièrement face aux exigences croissantes de l’Union européenne. Le “Programme de Cacao Durable” soutenu par Bruxelles à hauteur de 450 millions d’euros renforce cette dynamique.
Vers une ambition chocolatière ?
Si Transcao se concentre actuellement sur la première transformation (masse de cacao, tourteau et beurre de cacao), l’intégration d’un centre de formation au chocolat dans le complexe PK 24 laisse entrevoir des ambitions plus larges. L’objectif à long terme pourrait être de positionner la Côte d’Ivoire comme un acteur majeur de l’industrie mondiale du chocolat, remettant en cause la domination des fabricants multinationaux.
Les marchés d’exportation se diversifient déjà : si l’Europe de l’Ouest reste privilégiée (75% des produits alimentaires via San Pedro), les États-Unis (26% des exportations de masse et tourteau), le Maroc (12,34%), le Mexique (12%) et l’Espagne (11,56%) offrent des débouchés prometteurs.
Un modèle reproductible
Le succès de Transcao dépasse les enjeux de la filière cacao. Cette expérience d’industrialisation publique pourrait servir de modèle pour valoriser d’autres matières premières ivoiriennes comme l’anacarde, le caoutchouc ou l’huile de palme.
Avec des perspectives de 3 à 4 milliards USD de revenus supplémentaires attendus de l’augmentation des exportations de cacao transformé, Transcao incarne la volonté ivoirienne de maîtriser son destin économique et de réduire sa dépendance aux fluctuations des cours mondiaux des matières premières brutes.
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